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Une saturation des urgences prévisible ?

Très régulièrement les médias, et politiques de tout poils donnent des explications concernant la fréquentation excessive des services des urgences.

Nombreux sont ceux, à juste titre d’ailleurs, qui mettent en avant dans ce cas de figure la pénurie de médecins généralistes.

Compte tenu de ce déficit criant, les patients ne peuvent être pris en charge de manière correcte par les libéraux.

En conséquence certains se tournent, avec regret parfois pour ne pas dire souvent, vers les unités des urgences.

En parallèle, d’autres très consommateurs de soins, et n’ayant aucun scrupule vis-à-vis de cette fréquentation démesurée des urgences, n’hésitent pas à y aller très régulièrement.

Ce cas de figure est rarement développé par les médias qui minimisent cette pratique qui n’est à mon avis pas nécessairement marginale.

Cependant il n’est pas très logique de fustiger ces personnes qui sont des électeurs potentiels.

Néanmoins nombreux sont les professionnels de santé, mais également les membres de l’exécutif, qui tentent de trouver une solution.

Ainsi depuis quelques années fleurissent les maisons médicales de garde qui sont souvent accolées aux établissements hospitaliers.

Ces entités permettent de réduire l’engorgement des services des urgences.

Bien entendu ce mode de fonctionnement a ses travers, surtout sur le plan pécuniaire.

En effet, les patients dès lors qu’ils consultent au sein de ces maisons de garde doivent avancer les frais de consultation, ce qui n’est pas le cas au sein des hôpitaux.

De plus il est difficile d’assurer un fonctionnement correct d’unités tenues par des libéraux durant les périodes ouvrables car les généralistes travaillant dans ces unités sont les mêmes qui sont à pied d’œuvre durant cette période pour prendre en charge leurs patients.

Il y a quelques mois de cela il avait été proposé de demander une participation financière aux patients qui fréquentaient indument les services des urgences.

Dans les faits peu d’établissements hospitaliers ont validé ce cas de figure, cela d’autant plus qu’il est parfois difficile de bien répertorier les vraies des fausses urgences.

Jamais un seul membre de l’exécutif n’a mis en avant un élément imparable : le coût des consultations effectuées lors d’une consultation dans ces unités.

Urgence et gériatrie, deux éléments à l’origine d’une crise majeure dans le fonctionnement des unités hospitalières de premier recours

Ayant régulièrement l’habitude de venir en soutien dans ces services, j’ai pu observer une problématique qui n’est jamais véritablement prise en compte : le vieillissement de la population.

A l’hôpital de Perpignan deux filières se côtoient : celle des valides, et celle des « couchés ».

Dès lors qu’il existe un déficit en soignant au sein des urgences, la filière des valides est sacrifiée car moins saturée.

De cette manière les patients peuvent être redistribués vers l’autre unité ou dans certains cas être réorientée vers la maison médicale de garde.

En fait la saturation qui est objectivée est celle de la filière des couchés.

A l’origine, outre les problèmes somatiques de certains patients ayant un âge plus ou moins important, nous sommes confrontés à une situation devient prépondérante au fil des années : l’impossibilité de maintien au domicile de la personne âgée.

Nombreux sont les patients seuls orientés du fait de leur manque d’autonomie du fait de problèmes en rapport le plus souvent avec leur âge (arthrose importante, trouble des fonctions supérieures….).

Ces personnes n’ont pas les moyens d’avoir des aides de manière permanente, et les enfants souvent éloignés se satisfont de solutions que les soignants peuvent trouver.

En fait il est important de souligner que l’origine de la saturation de ces unités est à rechercher au niveau d’un facteur important : la dépendance.

Certains ministres (ce fut le cas de Mme Buzyn) avaient tenté de se pencher sur cette problématique.

Ils avaient alors décidé, pour éviter un engorgement inéluctable par ces ainés, de les adresser directement vers les unités de gériatrie.

Une telle initiative tout à fait respectable et logique, n’a pas été réellement prise en compte.

Au sein de notre département, même si les gérontologues font le maximum pour recevoir les patients, il est en réalité très difficile d’obtenir une place pour que nos patients puissent être reçus en urgence.

Or il ne faut pas oublier que les généralistes, mais aussi les autres soignants, ne déméritent pas en ce qui concerne la prise en charge des patients âgés.

A ce titre ils tentent de les garder à leur domicile, parfois au prix de risques importants (chutes notamment).

Or en ce qui concerne la cause de la dépendance de nombreux membres de l’exécutif se sont agités pour mettre en avant leur implication.

Malheureusement on assiste dans ce domaine à un saupoudrage qui ne permet pas de répondre de manière correcte au maintien à domicile de la personne âgée.

Ce qui est caricatural, c’est de voir qu’aucun politique n’ait pu penser au fait que la population française vieillit.

Or nos concitoyens souhaitent que nos parents et grands-parents puissent recevoir des soins de qualité, et les professionnels de santé libéraux font leur maximum pour aller dans ce sens.

Cependant ce vœu est pieu car dans la réalité il est fréquent que les soignants soient dans l’obligation d’envoyer les patients dépendants vers les urgences car aucune solution appropriée n’est trouvée.

Dans ce contexte on comprend très bien l’embarras des professionnels de ces unités qui ne sont pas plus outillés pour trouver des solutions que nos énarques ont volontairement voulu laisser de côté.

Dr Pierre Frances

Un Commentaire

  1. Alors médecin généraliste j’ai créé il y a un peu plus de 40 ans un SSIAD en pensant naïvement que c’était la solution tant attendue par les libéraux pour développer le maintien à domicile des personnes âgées, en perte d’autonomie ou dépendantes qui choisiraient le domicile comme lieu de vie en l’adaptant et en le rendant accessible, pour faire face à toutes ces situations. En 2016 la Loi ASV a effleuré le sujet en remisant l’avant-projet de Loi de Luc Broussy (qui s’est rattrapé depuis en devenant le chef d’orchestre de la « silver economy » et en produisant un think tank remarquable sur l’état des personnes âgées en France) . Cette Loi favorise la multiplication des résidences seniors qui sont de fausses solutions à de vrais problèmes.
    Je crains que la future Loi sur la dépendance ne fasse qu’escamoter le sujet du maintien à domicile qui est un vrai problème sociétal. N’oublions pas qu’en France nous sommes les champions de l’espérance de vie en Europe, mais que nous ne sommes qu’en onzième position pour l’espérance de vie sans incapacité. Autant de grain à moudre pour nos Ehpad qui vont continuer à engranger des personnes âgées qui n’ont pas choisi de se rendre (choix par défaut) dans des structures qui sont des solutions du passé et qui ne correspondent plus à rien dans l’évolution misérabiliste des structures aliénantes pour nos aînés. Je ne peux cependant que saluer les efforts des soignants qui y travaillent, dans un univers où la maltraitance s’exerce dans les deux sens.

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