Une méconnaissance totale ou une volonté affichée de mépris vis-à-vis des professionnels de santé de la part des politiques?

Contrairement aux conventions signées antérieurement, la nouvelle convention avec les médecins libéraux est en train de faire couler beaucoup d’encre au sein des différentes coordinations syndicales.

De nouveaux venus (l’UFML) troublent quelque peu l’ordre établi qui faisait ronronner les discussions peu contestées le plus souvent avec les pouvoirs publics.

Le directeur de la CPAM a donné les contours  de son plan pour mieux revaloriser les professionnels de santé, et mieux agir sur la santé des patients.

Cependant cette meilleure rétribution des libéraux est à mettre en lien avec certaines actions de coordination, de recrutement d’assistants médicaux…..

M. Fantôme (il n’est pas du tout un professionnel de santé, mais juste un politique qui change de poste au grès des nominations ministérielles) a écarté de prime abord toute possibilité de majoration du coût de la consultation qui est inchangé depuis 2017.

En fait il souhaite en cas de revalorisation des professionnels de santé (elle se ferait sur la base d’objectifs concrets) qu’il y ait une compensation sur le terrain avec une participation accrue des libéraux à la prise en charge des patients n’ayant pas de médecins traitants, mais aussi afin de décharger les services d’urgence saturés.

Cette position est troublante, et quelque peu contrariante pour plusieurs raisons :

  • Tout d’abord une revalorisation des agents de Sécurité Sociale a été effective, cela sans qu’aucun objectif concernant leur rentabilité ne soit mis en avant. Dernièrement à ce titre j’ai pu joindre sur son portable un agent de la sécurité sociale (il s’agissait d’un cadre A) pour un problème de référencement des vaccinations. Il était 16h45, et cette personne très honnêtement m’a expliqué qu’elle allait faire le nécessaire le lendemain, car elle était en voiture et allait chercher son fils !
  • Comment est-il possible de demander plus de travail à des libéraux qui œuvrent en moyenne plus de 50 heures par semaine sans compter leur comptabilité…. , cela alors que les agents de la fonction publique (urgences compris) travaillent moins qu’eux ?

Des politiques qui ne connaissent pas le terrain !

Par ailleurs les médias diffusent des réactions de politiques qui théoriquement ont des responsabilités importantes au sein de notre pays, et qui déposent des propositions de loi tout à fait hors sol.

Ainsi, certains députés veulent que les généralistes soient réquisitionnés dès lors que les services d’urgences situés à proximité de leur lieu d’exercice sont saturés.

Ces politiques ont-ils réellement vu la charge de travail des libéraux qui est devenu très importante ?

Ont-ils pris en compte des difficultés des libéraux pour la prise en charge des patients ?

En agissant de la sorte il est certain que certains généralistes vont aller droit vers le burn out, ou changeront de profession.

Tout aussi inconvenant est la prise de position de Mme Le Bodo qui explique devant les congressistes de l’ANEMF (syndicat représentant les étudiants en médecine du 1er et 2éme cycle) qu’au cours de la 4ème année les étudiants n’auront pas l’obligation, mais l’incitation à aller en zone sous-dense.

Autrement dit elle explique qu’ils feront ce qu’ils veulent, mais uniquement en ambulatoire (proposition qui a été retenue par le Sénat).

Dans ce contexte, je ne comprends pas très bien pourquoi vouloir une 4ème année :

  • Cette décision était-elle voulue pour flatter les universitaires qui auront plus de postes et de ce fait plus de rétribution
  • En expliquant que les étudiants ne seront pas obligés d’aller dans les zones sous-denses elle risque de réduire l’offre de soins car ces jeunes vont aller dans des zones où ils seront moins stressés et auront pour un grand nombre l’assurance de ne pas avoir un flux limité de patients.

En fait la ministre déléguée (on fait des économies en ayant deux ministres) a voulu par son discours être rassurante et elle a pu de ce fait éviter tout affrontement.

Cependant, il ne faut pas oublier que ce ne sont que des propositions, et dans 4 ans lorsque la 4ème année sera effective elle ne sera probablement plus présente à son poste.

Autrement dit elle tente de cette manière de calmer le jeu, et ce d’autant plus qu’on ne sera plus aux commandes du système de santé et elle s’en lavera les mains.

Tout aussi inquiétant sont les propos émanant de la bouche du directeur de la CNAM.

Pour cet énarque la CNAM ne demande pas aux libéraux de travailler plus à l’avenir malgré la pénurie de professionnels de santé.

On le comprend très bien ; il souhaite juste réduire la rémunération de ceux qui ne majoreront pas leur activité !

Tout aussi étonnant est la réaction du ministre de la santé qui pour résoudre la problématique des services de pédiatrie propose le Graal : de l’argent.

L’argent ne fait pas le bonheur, mais ne règle pas également toutes les problématiques concernant le domaine de la santé.

Je me pose la question de savoir si tous ces politiques sont conscients des problèmes de notre système de santé, ou tentent-ils d’y remédier en noyant le poisson ou en méconnaissant le terrain?

Nous ne devons pas oublier que la responsabilité de la santé des français émane de l’exécutif, et qu’à ce titre il n’a pas su anticiper la situation actuelle qui est catastrophique.

De plus les moyens utilisés pour résoudre cette crise inquiétante (les politiques n’en prennent pas conscience réellement) restent dérisoires, et le gouvernement oublie d’avoir des discussions avec la base.

Dr Pierre Frances