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Une 4ème année pour les internes en médecine générale, oui mais…

La rentrée universitaire, mais aussi politique a été alimentée par une nouvelle qui avait été quelque peu abordée l’année dernière : l’allongement de la durée des études des internes en médecine générale.

Derrière cette annonce qui est largement diffusée par les médias (presse générale, professionnelle, ou télévision), le nouveau ministre de la santé a voulu sensibiliser la population sur le fait qu’il ne restait pas sourd aux différentes revendications des citoyens.

En 2022, de nombreux français ne trouvent pas de médecins traitants du fait d’une pénurie importante de praticiens.

L’annonce d’une participation des jeunes confrères pour réduire le nombre de zones dépourvues de soignants est accueillie de manière très favorable par les citoyens.

Les différents forums et courriers des lecteurs pointent du doigt la nécessité d’une telle disposition pour que les contribuables français soient égaux en ce qui concerne l’offre de soins.

Le corps médical est régulièrement malmené par les journalistes qui mettent en avant les dérives du monde libéral, et des émoluments des médecins qu’ils jugent indécents.

Pire, les étudiants sont régulièrement critiqués du fait du coût engendré par leurs études.

De ce fait cette sensibilisation du public va contraindre les jeunes confrères à rajouter une année supplémentaire à un cursus déjà complexe et très fatiguant pour eux (ils permettent d’assurer le fonctionnement optimal des hôpitaux).

Nous ne pouvons qu’être très surpris de voir la vitesse avec laquelle cette décision d’allongement des études des internes de médecine générale a été prise.

Il est vrai que le contexte général très contestataire contribue fortement à obtenir une adhésion des citoyens.

Il va permettre également aux universitaires et au ministre de la santé de montrer leur engagement et leur volonté d’encadrer ces jeunes suite à cette réforme.

Bien entendu les étudiants sont très remontés vis-à-vis de cette initiative, et refusent pour la plupart cette nouvelle donne.

Certains syndicats étudiants soutiennent cette démarche, tandis que d’autres participent à la commission en charge de la validation de cette 4ème année (ils ne sont visiblement pas opposés à cette proposition sous certaines conditions qui ne sont pas très claires).

Toujours est-il qu’il est fortement probable, du fait d’un soutien peu important de la part des confrères et d’un front de contestation de la part des français, que cette année supplémentaire soit actée très rapidement.

Une année supplémentaire, mais de nombreuses questions doivent être posées

Envoyer des jeunes confrères vers des zones sous-denses est une initiative qui nécessite avant d’être appliquée de bien encadrer les conditions de ce « repeuplement » des déserts :

  • Quelle sera la rémunération des étudiants ? Il est important que ces jeunes reçoivent la totalité des sommes reçues au décours de ces consultations
  • Les maires et conseillers généraux de ces territoires vont-ils offrir de manière digne logement et cabinet médical ?
  • De quelle manière vont-ils être dispatchés dans des zones déficitaires, et qui définira les zones déficitaires ? Il ne faut pas oublier que certains édiles très politiquement bien placés n’ont pas hésité à réclamer et à obtenir des jeunes confrères pour des maisons médicales situées dans des zones pourtant très bien pourvues. On ne peut plus accepter une telle situation, et il est nécessaire qu’une commission avec ARS et professionnels de terrain se réunisse pour définir de manière objective les terrains potentiellement déficitaires
  • Allons-nous accepter que ces étudiants soient envoyés dans des banlieues où leur sécurité ne sera pas convenablement assurée, cela alors que les confrères déjà aguerris à cette population ont déserté les lieux ?
  • Les étudiants devront-ils encore suivre des enseignements supplémentaires au niveau des universités alors que théoriquement leur cursus est achevé, et qu’ils ont déjà fourni des efforts considérables à ce niveau ?
  • Cette année supplémentaire qui va mettre la médecine générale à un niveau d’étude similaire aux autres spécialités va-t-elle conduire à une revalorisation de cette profession (ce serait par ailleurs tout à fait justifié). Le Dr Marty de l’UFML a bien montré que pour rendre attractif la médecine générale il est impératif de bien la valoriser sur un plan financier et arrêter de ne regarder que les hôpitaux ?

Un rôle important des universitaires de la base !

Envoyer des étudiants pas nécessairement volontaires pour exercer dans des déserts médicaux va poser de nombreux problèmes :

  • Une volonté pour certains de ne pas réellement s’investir, ou de le faire de manière pas très optimale
  • Une anxiété et parfois un état dépressif de certains, surtout s’ils n’ont pas choisi leur « lieu de stage » qui peut conduire à des arrêts de travail ou des hospitalisations
  • L’attractivité de la médecine générale a de grandes chances d’être peu importante suite à une telle disposition, et il est possible que de nombreux étudiants décident de changer de voie

Toujours est-il qu’il me semble fondamental, en cas de 4ème année, de bien suivre ces futurs confrères pour éviter tout burn out.

L’état psychique doit être une priorité des maitres de stage universitaire (MSU) de terrain dans cas.

En effet ces praticiens sont sur le terrain depuis des années, et ils peuvent mieux appréhender les difficultés de ces jeunes qui sont quelque peu leurs enfants.

Le MSU a un rôle prépondérant de ce fait à jouer, et il doit être capable de les renseigner en cas de difficultés rencontrées sur le terrain car il a plus de capacité à régler des questions épineuses qui ne sont pas nécessairement développées dans les cours.

Ce parrainage a l’intérêt également de leur faire comprendre qu’ils ne sont pas seuls et qu’une oreille attentive veille sur eux.

Depuis des années notre cabinet médical veille à connaître les évolutions de nos étudiants, et de leurs difficultés car nous nous sentons responsables de leur bien être.

Nous ne devons pas oublier également qu’exercer dans un désert c’est aussi avoir la capacité de régler certaines problématiques qui sont normalement gérées par d’autres confrères spécialisés qui sont absents au niveau de ces zones.

De ce fait il est important d’aider ces jeunes qui deviennent des supers généralistes avec de nombreuses casquettes, et cette disposition de terrain est bien entendu peu abordé au décours de leur cursus.

C’est la raison qui doit conduire les MSU de terrain à les aider pour qu’ils arrivent à assumer leur tâche avec brio et satisfaction.

Dr Pierre Frances

7 Commentaires

  1. Bravo ! Voilà un discours de bon sens et bien attentionné à l’égard des juniors.

  2. Bon ccourage aux jeunes futurs médecins qui vont affronter les déserts médicaux. Les tournées de visite en voiture, les problèmes gérés habituellement par les confrères spécialistes, avec des salles d’attente
    pleines, dans un environnement parfois difficile. Nos élites administratives, ont t ils conscience de cela, et de nombreux autres problèmes qui vont être soulevés? Rares sont déja les médecins qui s’installent seuls, dans les grandes ou petites villes, mais en rase campagne à moins d’être deux , il leur faudra une bonne motivation. J’ai fait cela deux ans avant de m’associer. Il faut d’abord une bonne étude des lieux et peut être créer une petite infrastructure médicale pour que ce jeune médecin puisse exercer honorablement et sans stress. Messieurs les élites, réfléchissez à na pas décourager les futurs médecins, qui ont fait ou vont faire de très longues études…. Un généraliste à la retraite.

  3. Bravo et merci pour ace blog, dont j’espère (il est permis de rêver ou de se dire « soyons fous ») les pouvoirs publics et politiques vont tenir compte.
    D’une façon générale, merci pour tous vos écrits depuis de nombreuses années, à la fois d’un bon sens exceptionnel, et extrêmement documentés, puisque vous êtes sur le terrain, ce qui n’est (jamais) le cas des « décideurs »…
    Nous sommes malheureusement en Absurdistan-Enarchie.
    Bien confrapernellement,
    Dr Jérôme Lefrançois

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