2

Un ministre à l’écoute des professionnels de santé ?

A quelques semaines de la grève des médecins qui réclament depuis des mois une revalorisation des actes effectués, le ministre s’est invité à l’université d’été d’un syndicat.

Ce dernier a été visiblement à l’écoute des revendications des soignants présents.

Cependant, comme l’a souligné le Quotidien dans sa chronique sur le web, M. Rousseau a « effleuré » les différentes questions posées.

L’éventuelle revalorisation des actes sera le sujet de la discussion de la future convention, et n’a pas été matière à discussions.

Tout aussi amusant a été sa réflexion concernant l’attribution d’un médecin traitant à chaque patient, tout en sachant qu’il existe une pénurie de praticiens (généralistes et spécialistes).

Afin d’arriver à ces fins, il préconise un travail collaboratif avec d’autres soignants (infirmières, kiné….).

Un beau discours, mais derrière rien de nouveau

Les propos très édulcorés de notre ministre ne me semblent pas très rassurants.

En fait la question de la rémunération reste en suspens, et a de grandes chances d’être conditionnée à certaines exigences.

Le plus triste dans cette histoire c’est que, même si M. Rousseau rejette la faute de la pénurie de soignants sur d’autres responsables que les médecins, il est facile de prôner la délégation des tâches.

Travailler en groupe oui, mais donner la possibilité à certains acteurs dans le domaine de la santé de devenir des médecins sans en avoir les compétences est un exercice d’équilibriste.

A ce titre nous n’avons pas à nous voiler la face car les CPTS qui ont été créées n’ont qu’un but : donner l’illusion aux patients qu’ils seront soignés de manière correcte.

Tous les médecins vont accepter cette nouvelle donne car elle va conditionner une meilleure rémunération de « leur pratique », et elle est l’adhésion est une obligation il me semble.

Cependant on oublie que derrière une CPTS nous avons différents professionnels de santé qui doivent œuvrer la main dans la main.

Il faut savoir qu’au sein de cabinets médicaux des altercations, voire même des incompatibilités entre certains médecins sont à l’origine de dysfonctionnements, alors imaginez la situation dès lors que d’autres soignants n’ayant pas les mêmes idées (certains ayant même des ailes qui vont pousser) devront collaborer….ce n’est pas gagné sur un plan sécuritaire pour le patient.

  1. Rousseau accepte sans broncher cette option validé par un professionnel des bisbilles entre professionnels de santé des mondes libéraux et publics : M. Valletoux.

Comme tout politicien aguerri notre ministre passe de la pommade sur le dos des praticiens en expliquant que jamais la prise en charge des patients sur un plan médical ne serait effectué par des paramédicaux.

Or dans son intervention il précise qu’il est important de coordonner son exercice professionnel.

Même s’il s’agit de deux manières de voir les choses, il est important de souligner qu’en pratique ce que souhaite l’exécutif, c’est avant tout de permettre à certains professionnels de santé non médecins d’effectuer des actes allant au-delà de leurs compétences sous la supervision des médecins.

Tout cela laisse rêveur, et me fait penser à la nouvelle loi qui permet aux pharmaciens de délivrer des antibiotiques dans certaines conditions.

Dorénavant toute personne ayant une angine supposé se verra proposée un antibiotique dès lors que le TDR effectué sera positif chez le pharmacien.

Cependant on oublie que l’acte médical est également un acte intellectuel, et qu’il est parfois impératif de pondérer ce cas de figure.

Ainsi certains patients (cas des enfants) n’ouvriront pas convenablement la bouche, et le test sera irréalisable ou faussé car le bâtonnet va buter sur la joue ou la langue.

Par ailleurs toute gêne oropharyngée n’est pas nécessairement en rapport avec une angine.

Même si une amygdale est érythémateuse cette situation peu être secondaire à une néoplasie, un lymphome, une compression provenant de la région cervicale ou pulmonaire.

Autrement dit, la pratique de la médecine est complexe, et il est fondamental qu’il soit pratiqué par une spécialiste de cet art.

Tout aussi triste, et pas du tout abordé par notre ministre de la santé : le problème des pénuries récurrentes en médicaments.

Il y a quelques mois de cela une liste de médicaments indispensables avait été effectuée par le prédécesseur de M. Rousseau.

Or dans un article lu récemment certains de ces pénuries, qui concernent pourtant des médicaments de la liste effectuée précédemment, vont être manquants.

Comment est-il possible d’avoir une telle langue de bois, cela alors que nos patients doivent recevoir des soins de qualité ?

Comment alors que l’exécutif se targue de relocaliser la production de certains médicaments, est-il normal de ne plus avoir en stock des médicaments de première nécessité ?

  1. Rousseau n’a pas donné de lignes directrices sur ce sujet qui est parfois chronophage pour les médecins qui doivent répondre aux questionnements des pharmaciens parfois irrités par cela.

Tout cela pour dire qu’inviter un ministre à la table d’une université d’été c’est bien car cela donne plus de crédibilité à son action, mais par contre la teneur du discours de notre énarque reste très creux et ne permet pas de voir de manière très positive l’évolution de notre système de santé.

Dr Pierre Frances

2 Commentaires

  1. Les CPTS sont des entreprises de perte de temps : les premières années pour les construire.
    Ensuite, il faut un gérant, donc un soignant qui a des compétences autres ( ou qui va se former, ou qui s’est trompé de voie et devient «  comptable, DRH, …)
    Et, il faut des réunions de concertation régulières afin que les paramédicaux retransmettent les soins prodigués ou/et médicaux expliquent ceci cela… forcément pendant que l’on parle de malades qui ne sont pas de votre patientele vous somnolez…
    Quand au gain, je n’ai pas vraiment l’impression qu’il soit important !
    L’obligation d’avoir une salariée d’accueil de 8 h a 19 h : 5 jours sur 7 et 8 h 12 h le samedi entraînent un coût de 110 000 € à 120 000 € par an, l’achat du logiciel, la maintenance, les créations de plusieurs sociétés et les honoraires des juristes, le salaire du gérant font que tout le financement étatique a disparu les premières années. Le financement étatique de la plus petite CPTS est de 180 000 € / an.
    Donc, reste il 2000 € par an et par soignants ? Soit 166 € / mois pour les réunions, les consultations informelles dans le couloir…. Les soignants qui prônent les CPTS indiquent qu’ils facturent ces pseudo consultations …. effectivement médecine «  low cost « 

  2. D’accord avec vous. Les CPTS sont des cache-sexes de la médecine en mode lowcost. Et vous faites bien de rappeler les promesses non tenues du Dr Braun sur les médicaments de première nécessité. Enfin, il ne faut pas demander à un énarque d’avoir des idées disruptives et lorsqu’ils en ont parfois ce ne sont pas de bonnes idées. Dr Bellecour, animateur du Village santé du MoDem.

Comments are closed.