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Un désaccord historique !

L’accouchement de la future convention entre les professionnels de santé libéraux et la CNAM est très chaotique, et aura probablement des conséquences sur la suite de la pratique médicale de nombreux confrères.

Nous vivons depuis de très nombreux mois un très mauvais scénario qui déstabilise la base peu habituée à des discussions de marchands de tapis.

Nombreux sont les confrères qui menacent les pouvoirs publics d’un déconventionnement qui va donner le champ libre à leur activité professionnelle.

Bien entendu ce changement de pratique est quelque peu frustrant pour de nombreux citoyens qui ne comprennent pas le fait qu’il soit parfois nécessaire de mettre la main à la poche pour se soigner.

Cela est d’autant plus difficile à prendre en compte par la population du fait d’une idéologie quelque peu « malhonnête » qui leur fait croire que les soins médicaux sont gratuits.

En revenant sur le cœur de nos propos, le désamour entre la CNAM et les médecins a atteint depuis quelques mois son paroxysme.

Le pouvoir syndical en est conscient, et cette fois il ne peut rester insensible à la détresse morale, mais aussi à la colère des médecins généralistes qui ne sont pas écoutés et le plus souvent ils sont méprisés par les pouvoirs publics.

Alors que ces centrales avaient souvent le stylo dans la poche pour signer rapidement un accord avec la Sécurité Sociale, elles ont compris qu’un accord trop rapidement accepté pourrait être un motif de leur disparition.

Certains vont dire que cette guerre des tranchées est tout à fait irresponsable de la part de soignants déjà trop bien lotis.

Les raisons d’une impossible entente cordiale

En fait pour mieux comprendre la vindicte de ces professionnels de santé, il faut avant tout écouter leur argumentaire.

Différents points favorisent les désaccords entre libéraux et les pouvoirs publics :

  • Tout d’abord les propos du directeur de la CNAM restent en travers de la gorge des libéraux. On a l’impression que cet énarque, qui n’est visiblement pas sorti de son bureau pour aller goûter aux joies de la santé dans le monde libéral, souhaite avant tout relancer la polémique avec la base. Ainsi, sans aucun raisonnement réellement élaboré, il n’hésite pas à marteler lors d’interviews qu’il serait utile que les libéraux travaillent 50 heures. Il serait, avant toute chose, important de nettoyer devant sa porte avant de s’exprimer de la sorte. Pourquoi n’a-t-il pas eu le même raisonnement avec ses propres agents ?
  • Les pouvoirs publics ne se rendent pas compte du travail administratif de titan des généralistes de terrain. Outre les formulaires qu’il est nécessaire de remplir (PAI, dossiers APA qui deviennent maintenant une véritable compilation de questions….), on reçoit par voie dématérialisée de nombreux mails de la CNAM (au moins 3 ou 4 par semaine). Cette charge administrative qui se majore régulièrement a été maintes fois dénoncée, et les ministres successifs avaient donné comme consignes de réduire cette paperasse. Dans les faits les paroles n’ont jamais été suivies d’actes
  • Le manque total de considération, et l’humiliation régulièrement vécue par des confrères qui sont mis sous objectifs dans le cadre d’une prescription trop importante d’arrêts de travail. Cette manière d’agir reste quelque peu inique. En fait pour réduire le nombre d’arrêts de travail il suffit tout simplement de modifier les règles d’indemnisation. Or il est plus facile de régler le problème en délégant cette charge aux libéraux qui ne sont pas susceptibles de regarder les sondages d’opinion pour une future élection. Le plus difficile à accepter c’est le fait qu’au bout du compte la plupart des mises sous objectif aboutissent à une sanction financière que le professionnel de santé va devoir payer alors qu’il n’a pas eu d’avantages (ou très peu) sur un plan pécuniaire à rédiger un arrêt de travail
  • La déconnexion complète du monde des cols blancs avec celui des petites mains actives sur le terrain. Ainsi on souhaite que les libéraux acceptent des assistants médicaux au sein de leurs cabinets, mais on oublie que de nombreux praticiens (c’est mon cas) souhaitent avoir une relation privilégiée avec les patients, et refusent de faire de l’abattage sous un prétexte d’aide à la pratique (en fait les assistants médicaux servent à réduire les délais de rendez-vous de médecins et majorent la file active des patients du praticien). Ce qui me fait sourire c’est de voir que les étudiants en médecine suivent des cours durant leur cursus universitaire (pas un seul), sur l’écoute du patient, l’empathie vis-à-vis des malades, la manière d’annoncer une mauvaise nouvelle. A côté de cela lorsqu’ils seront sur le terrain les futurs confrères auront pour tâche, avec l’aide providentielle sur un plan financier de la CNAM (aide qui a une durée limitée cependant), de faire du chiffre ce qui est diamétralement opposé à leur formation.

D’autres arguments peuvent trouvés pour expliquer cette mésentente entre la CNAM et les libéraux, mais je me contente de n’en développer que quelques uns.

A mon avis le climat ne pourra jamais devenir serein.

Ce qui manque avant tout de la part du directeur de la CNAM, c’est le manque d’écoute, et surtout sa volonté de ne pas aller sur le terrain pour mieux comprendre les professionnels de santé impliqués « jusqu’au cou » dans la prise en charge des patients.

Dr Pierre Frances

2 Commentaires

  1. Le problème c’est le « en même temps » : Vous êtes une profession médicale libérale, …et vous êtes l’esclave de la Sécurité Sociale !
    Il faut donc choisir, et désormais le vrai libéral est le non conventionné…

  2. Très bien et comme je l’ai déjà écrit, j’avais proposé à une ministre de la santé de passer une journée avec moi sans journalistes. Bien sûr je n’ai jamais eu de réponse.

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