Sur et sous-médiatisation

Surmédiatisation

Nous avons, durant plusieurs semaines, été informés du déroulement d’un procès hors norme : le procès de « Mazan ».

Même si nous ne devons pas faire d’amalgame entre une commune, et une affaire de mœurs, ce fait divers a été très suivi par les journalistes de tout poil.

Il est certain que nous devons avoir une compassion, et partager tout notre soutien pour la victime du préjudice intenable subi.

L’ex-épouse du préjudiciable s’est exprimée très régulièrement pour exprimer sa détermination pour que la condamnation de son ex-époux devienne exemplaire pour les autres femmes.

Au-delà de cette sinistre affaire qui a mobilisé de nombreux médias journellement, j’ai été quelque peu surpris par certaines réactions pas nécessairement adaptées à la situation.

Ainsi un des avocats d’un des accusés s’est exprimé en expliquant que «  le message de la part de son client pour toutes les hystériques et mal embouchées ».

Dans mon cabinet plusieurs patients m’ont donné leur point de vue (je laisse souvent libre cours aux confidences de mes ouailles) qui semble quelque peu surprenant.

Pour ces derniers la prise de parole de la victime était trop fréquente, et n’était pas en faveur d’une défense des droits de la femme.

Certains expliquaient que cette manière d’agir était très déconcertante car ils s’attendaient à plus de réserve de la part de cette victime

Cet argumentaire est bien entendu discutable, mais nous permet de nous poser certaines questions.

Ainsi l’ex-épouse du pervers va retourner dans sa localité, et essayer de se reconstruire.

Son futur risque d’être plus complexe que nous pourrions le penser, et cela à plusieurs titres :

  • Tout d’abord il est certain que certains citoyens de la petite localité où réside notre victime n’ont pas apprécié de devenir célèbres, et ce d’autant plus que la presse a régulièrement mis en avant lors de cette affaire un titre très fédérateur : le procès de Mazan
  • Ensuite la « célébrité » médiatique de la victime s’apparente à celle d’un soufflé sorti du four. Après avoir été largement mise sous les feux de la rampe, cette dernière va devoir accepter de vivre « normalement », ce qui est parfois difficile. Nous le voyons régulièrement avec les stars qui sont au haut de l’affiche, et qui acceptent difficilement la chute du fait d’un manque de reconnaissance ultérieure, situation qui peut survenir secondairement. Etre très médiatisé est un exercice parfois très enivrant et important pour défendre sa cause, mais il me semble important que cette femme puisse être aidée psychologiquement en cas de besoin
  • Enfin les 3 enfants du couple vont également devoir se reconstruire car cette histoire est difficile à digérer, et aura probablement des traces dans les relations entre les différents protagonistes

Sous-médiatisation

Parallèlement à cette surmédiatisation, un autre procès a eu lieu dans un autre département.

Cette fois il concernait un ancien journaliste reconverti dans les arts martiaux.

Ce dernier a officié sur différents canaux médiatiques, et il a été reconnu coupable de viols de filles mineures.

Ce qui est quelque peu révoltant, c’est de voir qu’une de ces adolescentes a été, selon ses dires, violée plus de 700 fois (une horreur difficilement acceptable !!!!).

Cette histoire dramatique a été peu médiatisée il est vrai comparativement au procès de Mazan.

Une passe d’arme entre un avocat réputé  qui s’est exprimé sur une chaine télé (il a mis sur le tapis le manque de médiatisation de ce fait divers), et de certains dirigeants de médias qui se voyaient critiqués du fait de leur appartenance politique, a été à l’origine de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux (absence d’entrefilets ou très peu dans la presse).

Sans avoir une volonté de critiquer les uns ou les autres, ni de parler d’appartenance politique de cet ex-journaliste condamné, le seul élément que nous pouvons retenir est le fait que l’adolescente violée a été très probablement fortement secouée (il y a eu visiblement également des violences physiques infligées) par cette histoire.

Il sera difficile pour cette jeune personne qui a été violée de se reconstruire (plus difficile à mon avis que la victime du procès de Mazan), et ce même si la peine infligée au bourreau est à la hauteur du préjudice subi.

Tout aussi inconcevable à mes yeux, c’est de voir que certaines affaires de rapports non consentis par des hommes appartenant au star système sont régulièrement mises en avant par la presse, et leur couverture médiatique se révèle très minimaliste par la suite.

Il est difficile d’avoir une couverture médiatique « tout à fait juste » pour des faits divers très tristes.

Cependant il me semble nécessaire, comme dans la cuisine, de bien répartir les ingrédients pour éviter que les plats élaborés ne deviennent indigestes.

Dr Pierre Frances