La transition de genre, un sujet polémique !

Il y a quelques années au décours d’une consultation, j’ai rencontré un patient qui présentait un désir de changement de sexe.

Ce dernier était marié, et avait un enfant en bas âge.

La partenaire était tout à fait en accord avec ce choix, et je leur ai donné des conseils concernant la démarche (prise en charge par une endocrinologue et un psychiatre ayant une expérience dans ce domaine) à réaliser.

J’ai par la suite perdu de vue ce jeune couple durant quelques années, et j’ai rencontré incidemment, dans le cadre d’une garde, l’ancien patient qui avait changé de sexe.

Ce dernier présentait un état dépressif (3 tentatives de suicide) du fait de sa rupture avec sa compagne.

Parallèlement à cette situation, il expliquait regretter amèrement son choix identitaire, lequel ne correspondait plus à l’idéal de son épouse.

Ce cas de figure m’a quelque peu ému, et le débat actuel concernant la transition de genre m’a permis de me remémorer cette situation.

La transition de genre, un débat hautement explosif, et discutable dans certaines circonstances ?

Il y a quelques jours de cela le journal le Figaro développait le sujet concernant la transition de genre qui était un sujet qui monopolisait certains experts de l’HAS.

Ayant récupéré certains documents (ils auraient été diffusés sans l’accord de l’HAS) de cette instance étatique, plusieurs journalistes ont mis l’accent sur le fait que cette haute autorité de santé avait mis en exergue certaines « bonnes pratiques » concernant la transition de genre.

Une discussion (il n’y a actuellement pas de finalisation d’une éventuelle recommandation) est en cours au sein de l’HAS concernant la gratuité de la prise en charge de ce changement de sexe :

  • Prise en charge intégrale des traitements hormonaux
  • Prise en charge de l’intervention chirurgicale

Au-delà de cet aspect des choses, qui me semble personnellement sans réel sujet à discussion, ce qui a quelque peu choqué les journalistes (je suis également partie prenante dans ce cas), c’est le contenu de cette future prise en charge (si elle est validée bien entendue) :

– Elle pourrait concerner les patients ayant moins de 18 ans (période où ils auraient achevé leur puberté)

– Elle pourrait s’effectuer suite à une médiation si les parents refusaient cette décision

Au Royaume Uni les professionnels de santé de l’hôpital public de Tavistock qui prescrivaient chez des jeunes des traitements pour bloquer leur puberté, cela en vue d’effectuer une transition de genre, a fermé ses portes en 2022.

Cette structure novatrice dans son genre prenait en charge de jeunes enfants (certains avaient moins de 10 ans) qui présentaient une dysphorie de genre.

Or un confrère psychiatre avait pointé du doigt le fait que certains jeunes subissaient des pressions de certaines associations qui insistaient de manière assez soutenue en ce qui concerne l’intérêt d’un changement de sexe.

De plus il avait observé certains stéréotypes dans les discours de ces enfants qui semblaient venir de groupes identitaires assez bien identifiés.

Cette pression allait à l’encontre de la volonté même du jeune patient qui n’avait pas conscience des conséquence induites par cette prise en charge.

L’HAS a reconnu être en discussion sur ce sujet, mais réfute totalement avoir écrit dans du marbre les recommandations énoncées par les journalistes du Figaro.

Nous comprenons fort bien que, le travail de l’HAS est un travail de longue haleine, et bien entendu les fuites provenant de cette structure ne sont pas basées encore sur des recommandations validées.

Autrement dit, actuellement il est impossible de prédire si les propos des médias largement diffusés par ailleurs seront suivis d’effets.

Néanmoins en tant que professionnel de santé, et du fait de mon exemple très traumatisant, je pense qu’une telle prise en compte nécessite une base de réflexion très approfondie, ce que souhaite (et je l’espère ardemment) l’HAS.

Nous ne pouvons pas prendre ce sujet par-dessus la jambe, et nous devons penser avant tout au patient quel que soit sa volonté.

Ce que je trouve parfois difficile au sein de notre société, c’est le fait que nous ne prenions pas le temps (nous en avons également parfois la possibilité compte tenu de la charge de travail) de discuter longuement avec nos patients.

En ayant une réelle confrontation, et une relation de confiance avec un praticien, les professionnels de santé (ils sont les garants du bien être du patient) peuvent comprendre les motivations parfois pas nécessairement celles qui sont directement exprimées au décours de l’entrevue avec ce soignant.

Nous ne devons pas orienter les choix de notre interlocuteur en fonction de nos propres idéaux, mais nous avons comme rôle de les aider et les soutenir dans une quête qui est parfois autre que celle exprimée trop rapidement.

Ne perdons pas de vue qu’une intervention de transition de genre est une opération définitive, et le patient n’a plus de choix d’un retour en arrière.

 

Dr Pierre Frances