Le passage de la thèse en médecine, la fin d’un cursus autrefois très émouvant….

Tous les étudiants en médecine terminent leurs études en soutenant une thèse.

Etant depuis quelques années directeur de thèse de certains étudiants, j’ai pu voir au travers de cette « épreuve » leur capacité de s’exprimer, et leur détermination pour montrer leur capacité à défendre un sujet.

Très récemment, j’ai été très surpris par une étudiante qui a développé une problématique (la toxicologie au sein des populations précaires) intéressante, et peu développée dans la littérature.

Cette dernière, pas nécessairement accoutumée à cette situation, a su parfaitement comprendre les différentes problématiques soulevées par ce sujet.

Au-delà de la manière dont le sujet a été développé, il était très émouvant de rencontrer la famille de cette nouvelle consœur, famille qui n’appartenait pas au sérail médical.

Parents, et relations, présents au décours de cette soutenance, étaient très à l’écoute de cette jeune collègue, et ont montré qu’ils étaient très fiers de cette ascension sociale.

On peut critiquer parfois cet exercice, qui dans le domaine médical est un passage obligé, et qui n’apporte dans beaucoup de cas aucune valeur spécifique pour faire avancer la science.

Cependant force est de constater qu’elle est très appréciée par les étudiants qui voient au travers de cet exercice (il n’est pas nécessairement aisé), un passage vers une autre dimension :  le milieu professionnel.

Ils quittent le cocon universitaire pour devenir des entrepreneurs, ou des salariés.

Oui la thèse marque la fin des études médicales, la fin des fêtes et des réunions entre internes, et un passage à « la vraie vie ».

Les étudiants jusqu’à présent avaient pour obligation de passer leur thèse dans les 3 ans qui suivaient la fin de leur cursus universitaire.

Des modifications de paradigme au sein des études médicales

Or depuis peu de temps des changements se dessinent, et les étudiants vont devoir dans un futur très proche passer leur thèse au cours de leur internat.

Autrement dit ils seront dans l’obligation pour terminer leur dernière année d’étude (on en a rajouté une pour les futurs généralistes) de passer cette épreuve ô combien symbolique.

Après avoir passé la thèse ils vont durant une année exercer en tant que médecin junior pour la joie des universitaires qui ont une main d’œuvre à peu de frais au sein des CHU et des citoyens.

Et oui, ces jeunes confrères qui n’accomplissent plus le service militaire, vont effectuer un service civique avec des émoluments pas nécessairement à la hauteur de la tâche qui leur incombe.

Le législateur, en accord avec les universitaires d’ailleurs, a voulu montrer une nouvelle fois que l’étudiant en médecine coutait cher à la collectivité.

En devenant médecin junior, et en étant exploité de manière quelque peu honteuse, ces jeunes « remboursent » les frais de leur scolarité.

On oublie facilement que durant leur internant ils ont été exploités, et ont dû travailler plus que les 35 heures recommandés dans la plupart des cas.

La thèse d’exercice de cette nouvelle génération de collègues ne va plus avoir la même saveur pour plusieurs raisons :

  • Le fait que la rédaction de leur travail devra être rapide, et se fera lors des courtes pauses qu’ils obtiendront durant leur internat. Par voie de conséquence la qualité de leur travail ne pourra plus être la même
  • Le fait qu’ils savent que cette épreuve sensée auparavant clôturer leurs études, n’a plus cette valeur
  • Le fait qu’en ayant pas terminé les études la thèse n’est plus le diplôme qui finalise les études, et certains étudiants ont à l’idée qu’ils pourront échouer en étant médecin junior s’ils ne sont pas suffisamment consciencieux, ou devront faire face à d’autres épreuves parfois difficiles

Cette nouvelle donne va changer je pense quelque peu la solennité d’un événement qui était très symbolique, et qui de cette manière va perdre quelque peu sa saveur.

De toute manière les réformes opérées dans le champ des études médicales sont souvent mal acceptées, ou parfois (cas de la 1ère année de médecine) très critiquées par certains énarques (dans le cas de la réforme de la PASS et de la LASS par la Cour des Comptes).

Nous avons l’impression que des réformes doivent être entreprises pour mettre en avant une certaine dynamique au sein des universités.

Malheureusement ces changements s’opèrent parfois sans avoir obtenu un réel consensus, et aboutissent à des rejets de la part des étudiants.

On oublie parfois qu’ils (je parle des étudiants en médecine) seront les fers de lance de notre futur système de santé.

Dr Pierre Frances