Etre médecin traitant en 2022

Une réforme ayant une certaine utilité

En 2004 est apparue la notion de médecin traitant.

Depuis cette époque tout individu de plus de 16 ans a l’obligation de désigner un praticien qui assure son suivi.

Bien entendu, il est toujours possible d’avoir recours à un autre généraliste ou aller voir directement un spécialiste autre que le médecin généraliste, mais dans ce cas le remboursement des soins par l’assurance maladie est différent avec une base de remboursement qui n’est plus de 70%, mais de 60%.

Aussi nombreux sont les français (plus de 80% d’entre eux) qui ont opté pour ce choix car mettre la main à la poche pour se faire soigner n’est pas dans l’ADN des français.

Ainsi, le médecin traitant (c’est un généraliste dans la très grande majorité des cas) est la pierre angulaire dans la prise en charge du patient.

C’est l’acteur principal qui intervient dans le parcours coordonné de soins et permet au patient d’avoir des conseils et un aiguillage correct en cas de problématiques complexes.

De cette manière ce référentiel évite des erreurs dans le choix de consultations auprès de confrères, et réduit le nomadisme médical.

De plus, il est possible de cette manière de développer des actions préventives sur des populations déterminées, cela étant d’autant plus facile que le médecin traitant connaît ses patients et plus particulièrement ceux qu’il a sa charge.

Au final cette réforme de 2004 est une manière de mieux coordonner et de mieux soigner les français.

Pour une fois nous ne pouvons que saluer cette initiative tout à fait cohérente.

Une nouvelle donne peu encourageante

Depuis quelques années la démographie médicale a modifié la donne en ce qui concerne la prise en charge des patients.

Alors qu’en 2004 près de 80% des patients avaient décidé d’avoir un médecin traitant et leur souhait était exaucé, en 2021, près de 11% des citoyens ne peuvent pas trouver de médecin traitant du fait d’une pénurie de praticiens aussi bien en ville qu’en campagne (données fournies par le Quotidien du Médecin du 21/1/2022).

De ce fait, et conscient de cette difficile problématique, les organismes sociaux ont demandé à des médiateurs d’intervenir pour permettre aux patients sans médecins traitant d’en trouver un ou de leur permettre « une prise en charge correcte ».

Malheureusement, nous nous rendons compte sur le terrain qu’il est parfois impossible de trouver la perle rare, et certains doivent accepter de se faire refouler des cabinets médicaux de confrères harassés par la charge de travail quotidien.

Ainsi, certaines dispositions très établies auparavant ont été modifiées.

C’est le cas des ALD ou le médecin traitant devait obligatoirement faire la demande sous peine d’avoir une acceptation sur une durée limitée.

Actuellement c’est différent, toute ALD demandée par n’importe quel professionnel de santé est acceptée sur une durée classique de 5 ans le plus souvent.

Cette situation est d’autant plus critique que d’autres acteurs sont préemptés pour assurer la prise en charge des patients (infirmières, pharmaciens), cela malgré quelques aboiements souvent peu audibles de confrères.

Tout cela pour dire que nous assistons à « une mue » de notre système de santé, cela peut-être au détriment de la santé des patients.

Cependant, derrière ces changements nous devons nous rendre à l’évidence la pénurie de praticiens est  le facteur principal de la transformation de ce paradigme.

Or, à l’origine de ce déficit nous avons des responsables qui ne cessent de se défausser en agitant le chiffon de la coercition, et cela est très déstabilisant.

Dr Pierre Frances