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A propos des médecins ukrainiens

Un quotidien régional faisait, il y a quelques semaines de cela, un appel aux médecins ukrainiens pour qu’ils puissent éventuellement intégrer un centre hospitalier de l’Orne.

Cette proposition faisait suite à « un principe de bienveillance » de la part du directeur des affaires médicales de cette structure hospitalière.

Bien entendu, le but principal (il est affiché très directement par la direction) de cette opération est avant tout d’intégrer ces praticiens dans certains services de l’établissement pour œuvrer en fonction de leur compétence.

Cependant les responsables de cet appel n’ont pas donné d’explications très claires concernant le futur professionnel éventuel de ces confrères qu’ils souhaitent recruter.

Une réalité bien différente

Au delà de ces propos très réconfortants, nous devons prendre en compte une situation très complexe.

En effet, outre le fait que les ressortissants ukrainiens de sexe masculin ne peuvent quitter leur territoire, un autre point mérite beaucoup plus d’attention.

Ainsi un article de très bonne facture, et mis en ligne dans un quotidien national, permet de mieux comprendre la situation des médecins de ce pays assiégé.

Le Dr Sahloul (médecin Syrien défenseur des droits de l’homme) qui travaille au sein d’une ONG a exposé de manière claire la position des médecins travaillant dans ce pays agressé par les Russes.

Il met en avant plusieurs points:

  • Le fait que de nombreux confrères sont avant tout des patriotes. Ils s’affairent pour traiter les patients blessés et ceux qui nécessitent des soins urgents. La demande médicale est importante au sein des hôpitaux de ce pays, et dans les jours qui vont venir ont de grandes chances à se majorer. De ce fait les praticiens qui exercent en Ukraine ont un rôle important à jouer, et ne peuvent comme les rats quitter le navire
  • Une réalité très particulière que les médias n’ont pas développé concernant la guerre de Syrie et les pratiques utilisées lors de l’intervention de l’armée russe dans ce pays méritent que nous nous y attardions. A cette période noire pour la population syrienne, Poutine avait expérimenté une tactique inédite pour gagner la guerre face aux intégristes musulmans qui menaçaient le régime soutenu par le Kremlin. Pour ce faire en 2016 ce despote ayant une soif de victoire avait pu expérimenter une nouvelle arme: les bombes à fragmentation. Ces dernières visaient des convois humanitaires, les écoles, et les hôpitaux. Le but était de rendre le corps médical inopérant, ce qui a été tout à fait judicieux et a permis d’obtenir les résultats escomptés car sans service médical la guerre prend vite une autre tournure. De cette manière on obtient une capitulation des ukrainiens plus rapide, ce qui peut être effectif suite à cette tactique.
  • Le fait qu’une participation active des étudiants (internes) est effective sur le terrain notamment sur Lviv où ils deviennent dans le feu de cette guerre fratricide des médecins à part entière et ont des responsabilités énormes.

En ayant cet éclairage très documenté et effrayant montrant que cette guerre repose avant tout sur le maintien des structures de soins et de la participation des médecins à cet effort, il est fondamental d’apporter notre soutien et notre aide à nos confrères qui pour la grande majorité d’entre eux sont sur le terrain et prennent des risques colossaux.

Le départ des médecins risque, si cela est effectif, de conduire à un succès militaire qui va glorifier Poutine mais aussi va devenir le théâtre d’un désastre humanitaire.

Aussi est-il nécessaire avant d’avoir des idées humanistes mais aussi quelque peu individualistes (recruter c’est aussi permettre aux hôpitaux français de fonctionner de manière satisfaisante), il est important de bien connaître les tenants et les aboutissants dans cette guerre dont les objectifs ne sont pas aussi simples que ceux que nous avons à l’idée.

Les chefs de guerre ont de nos jours des préceptes bien différents (ils sont plus élaborés et plus pervers) que ceux utilisés lors des conflits du 20ème siècle.

L’effort que nous pouvons apporter est celui d’accueillir les très jeunes confrères (4ème et 5ème année par exemple) qui n’ont pas les capacités de prendre en charge les patients pour qu’ils puissent avoir les bases nécessaires afin de retourner dans leur pays et venir en aide aux ressortissants de leur pays.

Pour ma part je m’y engage (effort je le reconnais pas très important) et j’assure également leur hébergement.

Félicitons et remercions les médecins ukrainiens qui font tout leur possible pour assurer des soins de qualité à leurs concitoyens, cela en dépit de leur surmenage et de leur manque de sommeil.

C’est au travers de leurs actions, que nous pouvons mettre en avant l’importance des systèmes de soins dans tous les pays du monde.

Dr Pierre Frances

4 Commentaires

  1. merci pour ce message pragmatique et humaniste. Rappelons ce qui disait Enstein « le monde périra par ceux qui regardent et se taisent ».

  2. Cette analyse est frappée au coin du bon sens, je me rappelle d’un évêque m’informant qu’il trouvait plus en région parisienne, de médecin du Benin 🇧🇯 que dans son pays …

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