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2023, l’année de tous les dangers pour la médecine libérale

Les médecins libéraux régulièrement humiliés

L’actualité nous montre régulièrement des représentations ou des attitudes peu valorisantes pour les médecins libéraux, et il est parfois difficile de comprendre un tel comportement.

Ainsi de manière répétitive nos concitoyens fustigent les libéraux car à leurs yeux ils n’assument pas leur rôle de manière parfaite (refus de participation à la permanence des soins, non acceptation de nouveaux patients…), ou profitent d’un système très généreux à leur égard (études payées).

Une grande majorité de français veut imposer des contraintes à ces « nantis » qui profitent d’un système trop généreux à leur égard (installation dans les déserts médicaux), cela alors que ces professionnels ont choisi cette voie pour être libres.

Tout aussi insupportable est le rôle de certains médias qui ne cessent de mettre en avant l’absence de sens des responsabilités des libéraux.

On ne voit quasiment jamais de reportages ou d’articles louant un médecin généraliste qui consacre de nombreuses heures à son cabinet pour assurer une médecine de qualité.

On ne vante jamais l’excès d’humanisme de certains qui sont régulièrement au chevet des patients pour donner des soins adaptés à leur état.

On oublie toujours qu’à la fin d’une journée l’esprit du médecin libéral est parfois perturbé par certaines situations complexes qu’il juge n’avoir pas nécessairement prises en charge de manière satisfaisante.

Une administration ou des politiques très méprisants et non compréhensifs vis-à-vis des attentes des libéraux

Plusieurs fois nous avons pu remarquer que l’exécutif n’a pas réellement la volonté de valoriser la médecine libérale.

Il suffit d’observer le comportement du ministre de la santé qui se rend régulièrement dans des centres hospitaliers pour tenter de trouver des solutions à la charge de travail de certains services (cas des urgences et de la pédiatrie).

Il n’hésite pas d’ailleurs de manière subliminale à trouver un bouc émissaire à l’embouteillage au sein de certaines unités hospitalières : le médecin libéral qui ne s’acquitte que très partiellement de ses tâches.

Tout aussi perturbant est le comportement de notre ministre de tutelle en accord avec le directeur de la CNAM.

On donne un petit plus financier aux médecins qui acceptent participer au SAS (service d’accès aux soins) avec une limitation de 30 consultations par semaine.

Cette limitation est d’autant plus frustrante qu’elle laisse entrevoir le fait que le médecin libéral est un fraudeur en puissance.

De plus la participation au SAS nécessite une inscription au niveau d’une plateforme informatique, cela alors qu’en début d’été 2022 des fonctionnaires de l’ARS ont envoyé un questionnaire allant dans ce sens (j’ai eu deux appels pour ce motif).

Cela nous démontre une nouvelle fois l’absence de coordination de services qui aurait permis d’éviter des tracasseries inutiles.

Un autre fait d’actualité très récent nous montre également le manque de reconnaissance du travail des médecins libéraux.

La préfète d’Eure et Loire a décidé de réquisitionner les médecins libéraux.

Ces derniers ont fait valoir leur droit de retrait du fait de rixes et d’incivilités survenant au sein des locaux de la permanence des soins du département.

Avec un sourire narquois cette porte parole du gouvernement a expliqué que cette mesure a été prise pour assurer une continuité des soins de manière efficace.

Elle s’est justifiée, car en parallèle à cette situation inconfortable une solution aux problèmes d’insécurité était trouvée : le recrutement durant la période des fêtes d’un maître chien pour éviter des heurts, et tranquilliser de ce fait ces libéraux.

Plusieurs réflexions découlent de ce comportement quelque peu curieux de la préfète :

  • Tout d’abord comment est-il possible d’accepter dans un lieu comme un cabinet médical de tels débordements ?
  • Pourquoi ne pas exiger une réponse pénale exemplaire suite à de tels comportements inexcusables ?
  • Pourquoi la préfète ne respecte pas ce droit de retrait qui est pourtant monnaie courant au sein de certaines entreprises publiques (cas de la SNCF), cela sans que personne n’ose broncher ?
  • Pourquoi avant de prendre de telles mesures n’a-t-elle pas été capable de se mettre derrière une table pour prendre en compte des difficultés de ces professionnels ?

Il est certain que le plus important aux yeux de cette préfète est d’assurer une permanence des soins, cela même au mépris du bien être des médecins libéraux.

Tout aussi curieux est le comportement du directeur de la CNAM qui a toujours une réponse peu empathique et même méprisante vis-à-vis des revendications salariales des médecins libéraux.

Le montant de la consultation est de 25 €, mais en fait si on rajoute les différentes primes (cela me rappelle le cas des contrôleurs de la SNCF) le montant réel d’une consultation est bien plus important (35€).

Ce dernier oublie qu’aucune revalorisation des libéraux n’a été effective depuis de très longues années, mais cela ne lui importe peu car au sein de son établissement tous les salariés ont été revalorisés.

Une autre situation irrite grandement les libéraux (ce qui à mon avis est tout à fait justifié) : l’arrivée sur le terrain des IPA (infirmières en pratique avancée).

Ces professionnels vont pouvoir « décharger » le médecin de certaines tâches (renouvellement de certains traitements notamment ou suivi de certaines pathologies), cela avec une rémunération plus importante que celle perçue par les médecins généralistes pour des actes qui ne sont pas nécessairement dans leurs attributions.

Comment peut-on accepter que des IPA qui ont suivi un cursus de 5 ans puissent être considérées comme des médecins de 2ème catégorie, cela en plus avec une rémunération très attractive ?

Une nouvelle fois on a mis la charrue avant les bœufs, et on a oublié de discuter avec les médecins libéraux avant de prendre une telle décision peu opportune, et mal vécue par de nombreux libéraux.

Une réalité complexe et difficile à appréhender sans la connaître

Pratiquer la médecine libérale est un réel sacerdoce pour de nombreux confrères.

Contrairement à l’image peu valorisante véhiculée par certains médias, ces professionnels de santé sont conscients de la difficulté d’accès aux soins des patients (problématique due à un manque volontaire ou non des politiques),  et se mobilisent pour assurer des soins de qualité au détriment de leur santé (certains ne sont plus parmi nous du fait d’un sens des responsabilités important qui les a exposés à des risques sanitaires comme la COVID), et de leur vie privé.

Oui, ils sont nombreux à avoir ces valeurs qu’une grande majorité de français refusent d’observer!

L’exécutif ne cesse de charger la mule, et parle de manière régulière d’une nécessité de participation à la permanence des soins.

Comment est-il possible d’accepter pour ceux qui sont épuisés par leur semaine de plus de 50 heures de rajouter encore un petit plus ?

Souvent le français moyen oublie de voir que son médecin traitant accumule des heures, et lorsqu’il n’est pas au cabinet il doit effectuer des tâches administratives qui sont pour certaines inutiles et très chronophages.

D’autre part le réforme des études médicales ne va qu’accélérer le burn out des jeunes confrères qui vont devoir durant la totalité de leur cursus travailler d’arrache pied pour entrevoir la possibilité de devenir un professionnel de santé.

Ces étudiants, qui sont régulièrement critiqués, permettent aux hôpitaux de fonctionner correctement, cela en effectuant des horaires bien plus importants que ceux des administratifs.

Non content de les exploiter durant leurs études, qui à mes yeux sont intégralement remboursées de cette manière, on exige de leur part d’aller se positionner durant une année dans un désert médical.

On oublie qu’ils se sont sacrifiés durant 9 ans (pour les généralistes), et qu’ils vont devoir mettre de côté une éventuelle vie de famille (certains sont en couple et ont des enfants) pour satisfaire les pouvoirs publics et les politiques de tout poil qui veulent avant tout se faire réélire.

 

Malgré cette situation peu engageante pour l’avenir de la médecine libérale, je souhaite à tous une bonne et heureuse année 2023.

Dr Pierre Frances

2 Commentaires

  1. Bonne et heureuse année à tous. Que cette année apporte une bonne prise en compte de notre profession.
    N’oublions pas que nous avons fait aussi des erreurs…
    – combien de syndicats avons nous ? Si nous en avions qu’en ne serait il plus simple ! Combien de syndicat ont les SF ? 5 ans d’études et tarifs à 25 euros..
    – les médecins qui communiquent sur les médias annoncent un tarif à 25 euros alors que tu dis justement que c’est plutôt 35. Que l’on supprime toutes ces primes et que l’on propose une rémunération honnête.
    – que cette année les autorités compétentes nous autorisent, nous les médecins retraités et remplaçant à faire des formations continues ( on 2022 on nous les refusait !)

    Bonne année
    Benoît Tanguy (56)

    • Bonne année à toi aussi, et merci pour tes réflexions opportunes

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