Un film d’un grand intérêt pour plusieurs raisons

En cette époque morose, tant sur un plan économique que professionnel, il m’est apparu nécessaire de m’ouvrir à des réflexions autres que celles qui concernent mon métier.

Aussi ai-je pris la décision d’aller vers une salle obscure, tentation néanmoins pas très forte du fait d’une programmation qui était à mes yeux peu alléchant.

Cependant, comme cela m’arrive parfois, j’ai pris la décision d’aller voir un film qui n’avait pas fait l’objet d’une campagne publicitaire démesurée : Le bleu du caftan.

Il est probable que ce facteur (absence de reconnaissance par de nombreux médias) soit à l’origine de mon choix, mais aussi et probablement du fait de son titre qui me semblait très énigmatique, et m’a conduit inconsciemment à me précipiter pour aller le visionner.

Des sentiments très purs et très bien transposés

A ma grande surprise, ce film n’avait pas n’avait pas pour but de décrire une histoire apparentée à un thriller, de la science fiction, mais tout simplement un récit qui concerne un couple et sa vie quotidienne.

Au travers du vécu au sein du travail, mais aussi de la vie privée de ces personnages, nous nous accaparons de leur manière d’évoluer au jour le jour.

Ce qui m’a quelque peu frappé, c’est la justesse et la grande « noblesse » des sentiments exprimés par les différents protagonistes.

Nous observons ainsi de nombreuses pauses et de fréquents non dits.

Nous pouvons interpréter cette absence de dialogue ou de communication comme une volonté de taire certaines vérités ou problématiques complexes.

On peut connaître ou deviner avec une grande finesse les défauts de son partenaire, mais il est également important de savoir reconnaître ses qualités et son dévouement.

Il est également apaisant de voir qu’à une période où les couples se disputent parfois pour des raisons futiles, le couple qui est proposé à l’écran dénote quelque peu avec un attachement entre l’un et l’autre qui est très important (on ne voit transparaître cette relation fusionnelle que tardivement), et une volonté de rester souder.

D’autre part, nous nous rendons compte que les sentiments ont une importance primordiale et ont plus de force que le pouvoir de l’argent ou la réputation.

Il est intéressant de voir que malgré la grande complicité entre deux personnages, il existe néanmoins une pudeur qui me semble être une forme de respect.

Toutes ces valeurs semblent très passéistes, mais nous font réfléchir sur nos rapports avec notre entourage proche, et la manière dont nous pouvons améliorer nos rapports avec ces êtres qui nous entourent.

Et sur un plan médical, alors ?

La maladie est également un élément qui est très bien mis en scène.

Le réalisateur a voulu que nous devinions la problématique de santé d’un des personnages principaux.

Au décours de l’histoire narrée, nous constatons une évolution de l’état de santé du malade.

Ce qui est important de souligner, c’est de voir une nouvelle fois la force que peut avoir le patient lorsqu’il est atteint d’une pathologie incurable.

Il tente de se battre avec toute sa volonté pour survivre, et ce même si ses forces ne sont pas nécessairement au rendez-vous.

C’est avec une très grande finesse que nous avons pu comprendre d’un seul regard à quel type de pathologie néoplasique le protagoniste était confronté, ce qui nous montre une nouvelle fois la volonté du scénariste de laisser ce thème en arrière plan.

Ce qui est bien plus important, c’est de voir le rapprochement entre une femme et un homme.

Cette symbiose ne semblait pas de mise dans ce couple où les non dits cachent de la déception qui est parfois refoulée du fait de conventions sociétales ou d’un fatalisme à toute épreuve.

Cependant, la maladie permet de renforcer, entre les deux principaux protagonistes, les liens et de les rendre plus effectifs.

Ce qui est également touchant, c’est d’écouter les propos du médecin traitant qui explique que le patient est passé d’une phase curative à une phase palliative.

Cette situation nous la vivons, nous les généralistes, très régulièrement avec certains patients qui reçoivent des soins en oncologie.

Nous sommes souvent confrontés à une nécessité d’expliquer au patient la réalité en ce qui concerne l’évolution de sa pathologie.

Cela est parfois difficile, mais il est rare que l’oncologue accepte de parler de soins palliatifs.

Le plus souvent il est dans une dynamique de soins et de traitements curatifs.

Pour ce confrère les soins palliatifs sont un échec  concernant leur proposition thérapeutique, ce qui peut les frustrer.

Tout aussi intéressant à voir est le rapport entre les clients et la tenancière de la boutique avec souvent des accrochages et des heurts du fait d’une volonté de rapidité dans l’exécution de certaines tâches.

Ce cas de figure est fréquent dans le domaine médical avec des patients qui souhaitent fréquemment une rapidité dans la résolution de leur problématique somatique.

L’agressivité devient très commune, et reflète un problème sociétal qu’il sera difficile à améliorer.

Aussi ce film a un intérêt majeur, et ce qui m’a quelque peu surpris, c’est de voir qu’il a eu la faveur d’une grande majorité du public qui a applaudi à la fin de la projection.

Dr Pierre Frances