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Le déconventionnement, une idée farfelue d’une frange de syndicalistes en mal de reconnaissance ?

Suite aux discussions stériles avec le directeur de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie concernant la nouvelle convention, un syndicat (l’UFML) a décidé de franchir le pas et a proposé aux médecins de participer à la première assise sur le déconventionnement.

Le but de ce rassemblement est de comprendre de quelle manière la médecine libérale pourrait survivre, et s’adapter dans les prochaines années.

Plusieurs points développés ou suggérés dans ce congrès doivent être avant tout pris en compte :

  • Le fait que le pouvoir d’achat des médecins soit considérablement réduit du fait d’une absence de revalorisation. Nous ne devons pas oublier le mépris du gouvernement qui a « permis » aux généralistes de majorer de 4 centimes d’euros la visite pour répercuter la hausse des coûts de l’essence sur leurs déplacements. Toute notion de revalorisation ces dernières années n’a été actée qu’avec l’idée d’une obligation supplémentaire (majoration du coût de la visite des plus de 80 ans en ALD quatre fois par an, cela pour éviter un engorgement des urgences)
  • Le fait que les pouvoirs publics (le directeur de la CNAM n’est qu’un fusible dans ce cas) souhaitent que la médecine libérale évolue avec des contraintes et des devoirs qu’ils fixent
  • Le ras le bol des praticiens qui croulent sous la masse de documents à fournir ou remplir. Certains sites comme Chorus manquent de clarté et souvent les libéraux sont contraints de ne pas les utiliser (manque à gagner de ce fait) car le temps passé à comprendre les différents items pour être rémunéré est trop important
  • La charge de travail qui est devenue colossale du fait d’une pénurie de professionnels de santé, situation dont la responsabilité incombe aux politiques. Ce qui majore la lassitude des médecins, c’est de voir que le directeur de la CNAM n’a pas de honte à demander encore plus à des professionnels épuisés par leurs journées devenues interminables
  • Le manque de reconnaissance des pouvoirs publics concernant les libéraux .Ils sont régulièrement pris à défaut dès lors que la notion de fraude est mise sur le tapis. On n’écoute pas leur mal être, et leurs difficultés. On oublie que ces professionnels assurent un service public, et qu’à ce titre dès lors qu’ils sont menacés les sanctions à l’égard des contrevenants doivent être exemplaires
  • Les propos toujours démagogiques de l’exécutif qui met en avant les actions effectuées dans le domaine de la santé et qui sont valorisantes pour eux (elles vont toujours dans le sens des assurés sociaux)
  • La méconnaissance totale de l’action quotidienne des libéraux, et de leurs difficultés. Nous avons pu voir cela lorsqu’un député macroniste a fait passer un projet de loi pour qu’une somme de 60€ soit donnée aux centres hospitaliers. Cette rétribution n’est effective dès lors que les patients ayant des pathologies peu complexes consultant aux urgences puissent être réorientés vers un cabinet libéral. Ce confrère (il ne pourra plus proposer des projets de ce type car il a perdu sa place) avait oublié que les libéraux sont débordés, et que la fréquentation majorée des urgences est due à une situation de pénurie de libéraux. De plus la rémunération proposée pour les médecins de ville dans ce cas est ridicule (25€), ce qui démontre une nouvelle fois les mépris des politiques vis-à-vis des libéraux

Tous ces facteurs expliquent le choix de l’UFML de changer de braquet.

Ce qui cristallise encore plus la grogne des libéraux, suite à ce rassemblement, c’est d’observer la réaction disproportionnée et très méprisante de M. Fatôme qui juge le déconventionnement comme irresponsable.

Cet énarque a l’outrecuidance d’avoir un jugement sur une situation qu’il ne connait pas suffisamment ou ne souhaite pas connaître.

A sa place, avant d’avoir une opinion tranchée sur ce sujet, j’aurais pris la décision d’aller au contact de ces médecins pour essayer de connaître les raisons de leurs choix.

Le ministre de la santé a tenu quant à lui des propos moins radicaux en essayant de galvaniser la colère des français, et leur montrer qu’une frange de professionnels de santé allaient réduire l’offre de soins, et seront à l’origine d’une médecine à deux vitesses.

Le déconventionnement, une idée qui fait son chemin

Au-delà des propos peu compréhensifs des énarques, la réalité est complexe et devient pathétique.

En effet les assises du déconventionnement, même si le contenu a été peu commenté par les journalistes, est un sujet qui a été abordé de manière détaillée dans un journal télévisé.

Contrairement aux visions déformées concernant la médecine libérale que les médias pouvaient sciemment développer précédemment, cette fois le journaliste ayant réalisé la reportage a eu une vision plus objective.

Des médecins déconventionnés ont expliqué les raisons de leur choix qui n’est pas nécessairement, comme le laisse penser M. Braun, voulu pour uniquement prendre en charge les classes sociales aisées et faire de la médecine de riches.

En fait ces confrères ont volontairement modifié leur activité du fait d’un épuisement professionnel qui aurait pu avoir des conséquences sur leur santé.

De plus ils soulignaient ne plus être en phase avec leurs principes de prise en charge correcte des patients (abattage qui peut avoir des conséquences judiciaires mais aussi morales).

Ces points sont fondamentaux, car on oublie trop souvent que les médecins sont des femmes et des hommes, et qu’ils peuvent également souffrir de certaines pathologies organiques ou non.

Nous ne devons, à cet égard, pas oublier que le nombre des médecins libéraux en dépression ou ayant fait une tentative de suicide est bien plus élevé que celui des fonctionnaires de la Sécurité Sociale (ils travaillent 35 heures, et quittent leurs bureaux à 16 heures le vendredi, et n’ont pas d’obligation de travail le samedi).

Par ailleurs une consœur (il s’agit de la présidente de MG France), qui officie dans une zone où la précarité est importante, a expliqué que le déconventionnement n’est pas la solution à une situation de crise.

Cependant, à ma grande surprise (cette collègue est avant tout une sympathisante de gauche, ce qui est respectable même si on n’a pas nécessairement les mêmes idées), elle a expliqué qu’elle comprenait parfaitement ce mouvement auquel elle n’adhère pas. Cette contestation, selon cette dernière, montre que le gouvernement n’est pas du tout à l’écoute des revendications des professionnels de terrain, et qu’il est impératif de prendre en compte de tels avertissements.

Le médecin traitant n’est pas un professionnel qui effectue des soins sur le coin de sa table. Il est avant tout à l’écoute du patient, et prend en compte la totalité de ses maux.

Ce travail est parfois chronophage, mais valorisant pour le professionnel de santé.

Cet aspect de l’activité du médecin libéral est volontairement mis de côté par les politiques, car ce qui prime avant tout pour les énarques ce sont les tableaux statistiques qu’ils doivent élaborer.

Il me semble que les journalistes commencent à comprendre la situation quelque peu difficile pour les libéraux qui s’échinent pour prendre en charge des patients en grand nombre.

Espérons que nous pourrons avancer pour permettre d’avoir un système de santé plus performant, et des politiques moins démagogiques.

Merci encore au Dr Marty et le bureau de l’UFML, qui, par cette démarche originale, ont permis de mieux communiquer en ce qui concerne les problématiques des libéraux.

En ouvrant la boite de Pandore nous souhaitons que les libéraux pourront avoir une meilleure lisibilité en ce qui concerne leur rôle au sein de notre système de santé.

Dr Pierre Frances

4 Commentaires

  1. Mon cher confrère ce que vous décrivez est en marche, si je puis dire, depuis environ 40 ans. A part quelques détails il n’y a rien de nouveau : l’UE nous impose de réduire drastiquement les dépenses de santé depuis des années, et le résultat est là, nos gouvernements obéissent. De plus nous sommes en régime socialiste, si, si, et les libéraux doivent disparaître, tous les libéraux, pas seulement les médecins. Les avocats et les Notaires sont aussi dans le collimateur. Il est grand temps de se révolter, comme pour ce qui se passe pour les retraites en ce moment. Un déconventionnement massif est une bonne idée, mais comme nous ne sommes plus en démocratie, c’est clair, il est fort possible que nos « élites » fassent voter une loi interdisant totalement le secteur 3. Il faut quand même essayer. On ne discute pas avec les pouvoirs publics qui veulent la mort des libéraux (et la soumission totale des soignants du secteur public), toutes les « conventions » passées le démontrent, elles sont, en fait, des diktats imposés par les pouvoirs successifs. Ce ne sont pas des négociations, c’est de la comédie. Les médecins et les Français en général ont un ennemi mortel : l’État lui même, alors que celui ci devrait veiller sur le bien être de la population, ce qu’il ne fait pas.

    • D’accord avec vous. Et vous avez un bonne intuition sur l’interdiction du S3 car pour commencer à l’horizon 2024 les médecins ne pourront plus être salariés de centres esthétiques qui par essence sont hors nomenclature donc en S3, et cela à la demande de notre Ordre ! Donc l’interdiction du S3 est bel et bien une menace qu’il ne faut pas sous estimer.

  2. Merci Dr Frances pour ces mots justes. Merci aussi au Dr Marty d’avoir ouvert la boîte de Pandorre. Vos messages sont réconfortants et comme vous j’apporte ma modeste contribution pour que la médecine liberale redevienne attractive et les politiques un peu moins démagogues. Sur ce dernier point la tâche n’est pas aisée. Dr Bellecour, coordonateur national des Villages de professionnels de santé du MoDem (thin tank Democrate mais certainement pas Macroniste).

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