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Des changements notoires au sein de notre société

Les médias nous ont informé, suite à la parution d’un livre, du comportement d’un écrivain pédophile qui avait pignon sur rue il y a quelques années de cela.

Ce dernier se félicitait devant un parterre d’écrivains, il y a plus de deux décennies de cela, de cette déviance condamnable aux yeux de la loi.

Le plus terrible dans cette tragique histoire, c’est la réaction de certains journalistes et écrivains suite à ce terrible aveu.

C’est ainsi que dans une émission littéraire diffusée sur une chaine publique, et très en vogue à la fin du 20ème siècle, les écrivains présents sur le plateau télévisé n’ont pas réellement été choqués par le « courant de pensée » de ce pédophile qui s’exprimait librement sur sa passion coupable.

Seule une écrivaine d’origine canadienne avait réagi, et avait montré son désaccord.

Il est vrai que d’autres histoires de pédophilie, parmi des hauts responsables politiques, avaient fait tousser certains éditorialistes (certains de ces politiques se vantant même d’avoir eu des attouchements avec des enfants avec lesquels ils travaillaient), cela sans effet sur un plan judiciaire.

Cette terrible affaire me renvoie à cette époque où j’écoutais avec délectation cette émission littéraire.

J’ai commencé dès l’âge de 10 ans (il y a déjà 40 ans de cela car je ne suis plus de la première jeunesse) car dans mon petit village la seule distraction culturelle de l’époque était le passage du bibliobus.

Les forces politiques vives de cette époque avaient décidé que les lieux dédiés à  la culture ne devaient pas seulement être regroupés uniquement dans les grands centres urbains.

La décentralisation se mettait en marche, et nous étions les premiers bénéficiaires, ce qui était très positif à mon sens.

Il est vrai que le goût pour la littérature, même à cette époque, ne concernait que très peu de jeunes de mon âge.

Néanmoins, ayant une volonté de m’évader grâce aux livres, je ne me suis pas fait prier pour emprunter des ouvrages qui m’ouvraient une porte sur un monde plus ou moins édulcoré .

Cette soif, qui avait des difficultés à être étanchée, me poussait à écouter la seule émission littéraire du service public de cette période.

De cette manière cela permettait de mieux connaître les auteurs que j’allais choisir ou que j’avais choisis.

Il faut reconnaître qu’à cette époque, il était de bon ton de faire venir sur le plateau des écrivains parfois décalés avec leur temps, dans certains cas pas réellement aptes à  présenter de manière convenable leur ouvrage (un auteur avait même fait sourire l’animateur car il venu dans l’émission en étant ivre), ou en acceptant certains auteurs discourir de manière tellement allusive qu’ils étaient incompréhensibles.

Mais les intellectuels de cette époque appréciaient ce type d’intervention ponctuelle qui était comme le divertissement des rois du moyen âge avec les ménestrels qui « adoucissaient les mœurs ».

Cependant les éditeurs, qui visiblement conseillaient fortement le présentateur de cette émission très regardée, appréciaient beaucoup ce type de spectacle car il leur permettait d’obtenir une meilleure diffusion des ouvrages de ces écrivains.

En effet, il était de bon ton dans la Société parisienne d’exposer dans son salon les ouvrages de ces « sauvages » dont le comportement était très distrayant et quelque peu perturbant.

Je me rappelle d’une émission où un jeune prostitué avait été invité, u plutôt avait été imposé au tribun animateur de ce divertissement.

Son ouvrage développait sa souffrance, et les moyens qu’il avait mis en œuvre pour changer de voie et s’insérer au sein de la Société.

L’animateur ne lui a quasiment pas donné la parole, et n’a cessé de répéter qu’on lui avait imposé ce personnage qui ne savait pas écrire.

J’ai été très attristé par l’arrogance, et la suffisance avec laquelle le présentateur a dédaigneusement coupé la parole à ce jeune, et l’a contraint au silence.

Il est vrai qu’à cette époque permettre à un prostitué (identifié comme tel) de venir sur un plateau pour vider le sac « nauséabond » d’un comportement coupable, c’était inadmissible !

J’ai gardé au fond de mon esprit cette image qui me perturbe inconsciemment, et je me suis précipité en librairie pour acheter son livre qui n’était pas d’une assez mauvaise facture comme le laisser penser notre très cher licencié en histoire, si je ne me trompe pas .

Je suis actuellement médecin généraliste, et je travaille bénévolement dans différents centres de SDF.

Certains de ces patients vivent ou ont vécu de la même manière que le jeune prostitué, et en tant que professionnel de santé je suis à leur écoute pour partager souvent leur souffrance, tout comme les autres patients d’ailleurs.

Une étude introspective réalisée suite à cette émission, qui ne pourrait plus avoir le même contenu actuellement, m’a conduit à avoir une écoute empathique et à laisser la parole à mes patients quel que soit leur style de vie.

Je me suis alors rendu compte qu’il était important de leur montrer que nous sommes à leur écoute.

C’est de cette manière que nous les aidons à se reconstruire car nous leur donnons une identité !

Cet exemple qui dérive des travers de la Société d’il y a 40 ans nous montre que nous n’avons pas évolué nécessairement dans le mauvais sens.

Nous ne sommes pas tous des épicuriens qui aimons les bons vins, nous savons aussi parfois être à l’écoute des autres, et nous en puisons notre force et notre énergie.

Aussi derrière les comportements délictueux de certains artistes ou écrivains des années 80, se cachent les contradictions et les errements d’une époque faste, avec des connotations parfois de luxure, que nous avons actuellement gommés de nos esprits.

Dr Pierre Frances

2 Commentaires

  1. Merci, à force d’être submergés par les problèmes des gens et le « tout va mal » de l’époque, on en finit par devenir cynique, occulter le positif, et oublier pourquoi on a voulu faire ce métier à la base.

  2. Merci pour ce flash back litteraire et cette belle leçon d’humanisme.

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