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La revalorisation des actes effectués chez le médecin généraliste est-il « un mal » nécessaire ?

Il y a quelques jours de cela une grève a partiellement impacté le recours au médecin généraliste de ville.
Ainsi, le 1er et 2 décembre les praticiens libéraux ont pris leur bâton de pèlerin pour montrer qu’ils ne doivent pas être les oubliés d’une potentielle revalorisation (elle a été effective au sein des hôpitaux), volonté qui doit être la préalable aux négociations de la future convention avec la CNAM.
De nombreux cabinets médicaux ont fermé leurs portes, obligeant de ce fait une orientation des patients vers les urgences ce qui a majoré le travail des urgentistes qui il faut le souligner sont très précieux au sein de notre système de santé.
Une prise en compte du mal être de la médecine libérale très aléatoire
Durant cette période où les français ont eu, pour certains, de grosses difficultés à bénéficié de l’expertise d’un professionnel de santé libéral, les médias ont quelque peu fait l’impasse sur ces revendications.
Seulement quelques minutes ont été consacrées au sein de journaux télévisés pour annoncer le mouvement de grève de ces praticiens.
Le but des différents entrefilets des rédactions était principalement de mettre en avant la revendication salariale « démentielle » des médecins.
Par contre les français ont très bien été informés des grèves survenant au sein de la SNCF (à chaque période de fêtes on assiste à de tels mouvements sociaux).
Ce qui est toujours très curieux de noter, c’est de voir lors de reportages l’importante sollicitude des concitoyens (ils sont visiblement triés sur le volet) vis-à-vis d’agents du service public qui prennent en otage les salariés.
La SNCF avec un déficit record de plus de 17 milliards d’euros, qui est financé par nos propres deniers, peut se permettre de creuser encore plus son déficit avec des revendications peu crédibles (on oublie quelque peu un régime de retraite très généreux au sein de cette entreprise)
Les journalistes n’ont pas pris la peine en amont de regarder les difficultés des libéraux tant sur un plan administratif que sur un plan de l’organisation de leur travail.
Ils n’ont pas expliqué qu’ils doivent pour un très grand nombre d’entre eux sacrifier leur vie familiale du fait d’une pénurie de confrères qui a été mal anticipée par les pouvoirs publics.
En parallèle, on n’a jamais mis l’accent sur une autre problématique, celle des menaces et des traumatismes physiques subis de manière régulière par les médecins qu’ils soient généralistes ou spécialistes.
Le pire c’est de voir que la justice minimise toujours de tels actes pourtant intolérables !
Ce qui est également très choquant, c’est le comportement de la ministre déléguée à la santé.
Cette dernière ose dire qu’un mouvement social de ce type chez les libéraux devient une démarche très impopulaire aux yeux des médecins libéraux.
Elle remue quelque peu le couteau dans la plaie en expliquant que la position statutaire des libéraux est différente de celle qui était observée il y a 30 ans.
Il est vrai que les patients n’ont plus le même respect des professionnels de santé, mais notre ministre oublie de dire que cette attitude est en grand partie liée également au laxisme de nos politiques de tout poil qui ferment les yeux sur des pratiques et des comportements répréhensibles au sein d’une société démocratique.
Une vision très étriquée de la médecine libérale
En parallèle, on n’a cessé durant cette grève de fustiger les revendications des libéraux, à savoir la revalorisation des actes.
Même si les demandes apparaissent très importantes, elles dénotent un manque réel de considération sur ce plan par les différents politiques depuis plus de 10 ans !
En pleine période de mondial de football les citoyens acceptent plus facilement qu’un joueur touche une rémunération brute à chaque match qui parfois équivaut au chiffre d’affaire annuel d’un médecin.
Ce paradoxe est d’autant plus choquant que les français oublient que les libéraux rendent un service bien plus important à mes yeux que celles générées par certaines activités sportives.
Afin de pimenter quelque peu cette revendication salariale, le directeur de la CNAM explique que le tarif de 25€ n’est pas le tarif réel car avec toutes les compensations associées à l’activité (prescription de génériques, actes de prévention…) la rémunération totale d’un médecin généraliste tourne autour de 35€.
Ce brave énarque oublie que s’il avait tenu de tels propos avec les salariés des CPAM il aurait du faire face à une broncha syndicale hors pair.
Comment peut-on accepter dans la fonction publique ou assimilée qu’un agent soit rémunéré au prorata d’objectifs, cette démarche est très mal accepté par les syndicats !
Régulièrement, comme le serpent de mer, les médias pointent du doigt le manque de volontariat pour assurer la permanence des soins.
Il est à mon goût important de livrer certaines vérités qui ne sont pas nécessairement divulguées :
– Tout d’abord près de 50% des libéraux assurent des tours de garde
– Assurer la permanence des soins c’est majorer le temps de travail du professionnel libéral qui assure le plus souvent plus de 50 heures par semaine
– Le manque de considération, et les violences physiques ou morales subies lors du tour de garde est très dissuasif, cela d’autant plus que les pouvoirs publics ferment les yeux en ce qui concerne la sécurité des médecins et minimisent souvent la portée d’une agression
Et que dire des associations de patients très remontées vis-à-vis de ces libéraux nantis qui refusent pour la plupart d’aller dans des déserts.
Ces personnes oublient que la France devient au niveau médical comme au Sahara avec une sous-médicalisation dans tous les coins et pas seulement les campagnes.
De plus elles oublient de dénoncer le comportement de certains édiles très bien considérés par l’exécutif qui arrivent à obtenir des subventions énormes pour permettre des installations de praticiens dans des zones pas nécessairement désertiques.
Enfin, ces membres d’associations devraient également militer pour que les zones désertiques deviennent des oasis professionnels en effectuant notamment des transferts de certaines administrations vers ces zones.
Il est par ailleurs très irritant de voir qu’un nombre non négligeable de politiques, qui militent pour un conventionnement sélectif des médecins généralistes, vivent dans de grands centres urbains.
Il est fondamental que le médecin libéral soit respecté, et que son rôle au sein de la société soit bien mis en avant.
On oublie trop souvent leur dévouement, et son sens des responsabilités.
De ce fait il est bien plus important de revaloriser les tarifs de consultation chez le généraliste, et peut-être taxer un peu plus les sportifs qui amassent des pécules indécents et pas nécessairement en accord avec l’importance de l’effort fourni.

Dr Pierre Frances

7 Commentaires

  1. 25 euros: un crachat. 50 euros: rien. 100 euros: a peine decent. Les medecins, vieux et vieilles pour l’essentiel (plus de 45 ans) se sont laisser faire pendant des decennies. A force de leur marcher dessus a dessein, ils ont perdu tout levier de negociation. Il ne reste que ce qui avait ete prevu depuis longtemps par l’executif: des salaries qui ne feront qu’appliquer des protocoles venus d’en haut. Comme en Angleterre ou au Canada. Avec resultats desastreux et pertes de libertes.

  2. Le délitement social est //à l’évolution d’un K métastatique chez l’individu et il arrive un moment où tout éclate car les anticorps n’agissent plus .Amen

  3. Une fois de plus tu as raison.
    Une petite question… Combien de médecins généralistes travaillent plus de 3 (ou 4 ) journées par semaine. Les internes que j’ai eu ne veulent pas travailler plus de 3-4 j par semaine… Rançon des 35 h ?

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