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Politique, et médecin un cocktail pas nécessairement digeste!

Depuis quelques semaines les médias ne cessent de parler de la loi Garot qui a pour but de
« rendre plus vivables » les déserts médicaux.
Ce dernier souhaite que les futurs confrères n’aient pas le choix de leur lieu d’exercice.
En parallèle il exprime sa volonté concernant la permanence des soins.
Les gardes doivent permettre un maillage de l’ensemble du territoire, que cela soit acté de
manière volontaire ou suite à une contrainte.
De nombreux politiques, plutôt de gauche, ont applaudi, et ils ont voté massivement (le
nombre de députés présents dans l’hémicycle lors de la présentation de cette loi était
quelque peu minimaliste) pour que cette proposition soit prise en compte.
Des discussions, et des aménagements, vont néanmoins avoir lieu avant de prendre en
compte la loi Garot.
M. Garot a, depuis quelques années, milité pour qu’une couverture optimale en matière de
soins devienne une réalité sur notre territoire.
Galvanisé par son succès au sein de l’hémicycle, il n’a pas hésité à prendre son bâton de
pèlerin pour visiter certains territoires (ceux qui ont été choisis sont détenus par des élus de
gauche bien entendu) impactés par la pénurie de soignants.
Un manque de prise en compte de la réalité du monde libéral, un défaut coupable
Au-delà de ce succès populaire (il a été brillamment relayé par les médias, bien plus que le
rassemblement en rapport avec les violences subies par les médecins), nous devons avoir
certains questionnements sur la pertinence de telles mesures.
Tout d’abord en ce qui concerne la permanence des soins, notre cher député oublie
sciemment (je l’espère) que les médecins libéraux travaillent bien plus que 50 heures par
semaine.
Ceux qui travaillent à mi-temps sur site, comme ma femme et mon associée, comptabilisent
en fait un total de 40 heures de travail.
En effet, et contrairement aux collègues hospitaliers il faut commander les fournitures
médicales, appeler chaque mois le comptable pour donner le décompte des heures
effectuées par la secrétaire, avoir un œil sur les tiers payants non réglés par les mutuelles (et
ils sont extrêmement nombreux)….

En milieu hospitalier les gardes sont effectuées par la totalité des médecins, mais ils ont une
compensation : la récupération de ce temps de travail.
Imaginons un libéral qui, du fait d’une garde de week-end, ne travaille pas le lundi, nous
aurons de gros problèmes dans l’organisation des soins en période ouvrable.
Autrement dit, expliquer qu’il est impératif d’assurer une permanence est une idée tout à
fait louable.
Cependant j’aimerais savoir comment ne pas surcharger plus le travail des libéraux qui
croulent, en plus de leur action de terrain, sous le poids des formulaires et certificats
(certains sont inutiles à mon goût) de tout genre à rédiger.
Les collègues salariés dans les maisons régionales de notre département n’ont pas cette
charge, et officient moins de 40 heures par semaine, mais on oublie facilement que le déficit
financier de ces structures n’est pas négligeable.
Autre point intéressant, redynamiser les zones sans professionnels de santé.
Tout d’abord il faut savoir que la pénurie de médecins libéraux (elle a été voulue il ne faut
pas l’oublier par les politiques) conduit actuellement à être à l’origine de déserts médicaux
dans toute la France (zone urbaine ou rurale).
De ce fait trouver une zone dépourvue de généralistes libéraux est aisé : 90% du territoire
demeure en déficit de ces professionnels.
Dans notre département un mail nous a été adressé pour que nous nous puissions recevoir
en tant que médecin traitant des enfants placés dans des centres d’accueil, cela du fait d’une
impossibilité de trouver un praticien volontaire dans le chef lieu des Pyrénéens Orientales
pour les accepter.
Par ailleurs, et ce qui me donne froid dans le dos, c’est de voir que les décisions de pourvoir
ou non tel ou tel territoire en soignants est souvent une question politique.
Des municipalités bâtissent des maisons de santé pour avoir des chances de recruter des
médecins, mais dans la réalité ils n’ont jamais eu la moindre volonté de discussions avec les
professionnels du secteur.
Par voie de conséquence, ces centres demeurent des coquilles vides qui coûtent très cher au
contribuable.
Les maires par ces actions inutiles souhaitent avant tout obtenir les faveurs de leurs
administrés pour s’assurer une réélection.
Des dérapages sont souvent constatés du fait d’actions pas très honnêtes de la part de ces
édiles qui attirent certains praticiens exerçant dans des bourgs de proximité en leur
proposant des conditions de travail très attractives.
Dans certains cas même certains maires expriment la volonté d’avoir un médecin dans leur
commune de moins de 1000 habitants, cela alors qu’à quelques kilomètres de là des
généralistes officient et peuvent consulter les patients du village situé à proximité.
Parallèlement certaines municipalités n’ont pas de scrupules à demander à des sociétés
privées (elles sont gourmandes en ce qui concerne leur rémunération) de leur trouver des
médecins.
Parfois les médias (ils sont souvent alertés par ces sociétés qui surfent sur le malaise favorisé
par la pénurie de professionnels) pour « informer » la population d’un refus d’installation
par l’Ordre des Médecins.
Jamais n’est mis en évidence dans ces discours très culpabilisants le fait que ces soignants
n’ont pas les diplômes requis, ou ont une compétence dans un domaine qui ne correspond
pas à la médecine générale.

Compte tenu de ces comportements, très répréhensibles pour certains, il est possible que
les zones à définir pour revitaliser ces zones dépourvues en médecins soient quelque peu
définies suivant des règles exemptes de critiques.
Nous voyons que les élus actuellement ne renvoient pas une image très
positive pour un certain nombre d’entre eux.
De ce fait nous pouvons aisément comprendre qu’ils n’ont aucun scrupule à user de leur
pouvoir pour que leurs attentes soient assouvies.
Alors qu’actuellement de nombreuses situations exaspèrent le peuple français du fait d’une
inertie des pouvoirs publics, mais aussi d’une importante démagogie, il semble impératif de
moraliser la vie politique.
Nous ne devons pas oublier que nos députés doivent avant tout nous montrer l’exemple, et
être les dignes représentants de notre démocratie.
A cette fin ils doivent prendre en compte une donnée qu’ils oublient volontairement : les
libéraux sont la pierre angulaire de notre système de soins, et il est nécessaire avant de les
mettre au pas d’écouter leurs revendications, et leurs idées concernant une situation qu’ils
ont volontairement provoquée.
« Un homme d’Etat est celui qui pense aux générations futures, et un homme politique est
celui qui pense aux prochaines élections » Abraham Lincoln.

Dr Pierre Frances

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