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Nous ne devons pas oublier certains citoyens !

Tous les ans Perpignan organise un festival de photojournalisme dont la célébrité peut faire rougir certaines grandes métropoles : Visa Pour image.

Les clichés présentés au décours de cet événement mettent souvent l’accent sur les différents conflits ethniques, ou territoriaux, qui ont pour cadre différents pays de notre monde.

On est souvent surpris ou parfois horrifiés par des situations intolérables que vivent certains peuples.

Au-delà de ces visions très déstabilisantes, il est parfois intéressant de s’informer sur des situations parfois inconnues ou peu souvent relatées par les médias.

A cet égard j’ai été très intéressé par les photos de Pierre Faure qui permettent de mieux comprendre une frange de la population qui est souvent ignorée, ou tout simplement tente de se faire oublier.

Le regard de ce photographe nous incite à réfléchir sur les conditions de vie de certains condisciples qui vivent dans le grand dénuement.

Ce qui est terrible, c’est de voir que certaines de ces personnes ont travaillé très dur, et malgré une carrière de labeur leur retraite n’est pas assez conséquente pour avoir un confort de vie acceptable.

On est surpris, en ayant un regard sur certains clichés (Pierre Faure a eu l’intelligence de réaliser des clichés en noir et blanc, et grâce à ce contraste on a un témoignage plus juste concernant les conditions de vie à ces oubliés de la société), de noter que ces personnes sont très humbles mais ont été « avalés » pour certaines par la spirale des addictions qui nous conduit à ne pas nous y attarder.

Ce sentiment de dégoût doit nous faire réfléchir malgré tout sur les raisons qui ont poussé ces personnes à devenir des toxicomanes.

Cette France à l’impression de ne plus être écoutée, et n’a pas assez de réactivité pour crier sa colère vis-à-vis d’une société qui les néglige ou parfois les méprise.

Le médecin doit prodiguer des soins à tous les patients sans avoir en tête l’idée d’une discrimination pour certains

En tant que médecin nous sommes souvent confrontés à cette population qui a une certaine honte de demander quoique ce soit, et se replie sur le peu de droits dont elle est le bénéficiaire.

Ainsi l’accès aux soins pour un grand nombre de ces patients est souvent problématique du fait d’un manque de ressource.

Certaines aides, et couvertures sociales sont données à ceux qui n’ont aucune ressource.

Or ces personnes, même si elles ont une très maigre retraite ou bénéficient de prestations parfois peu importantes, le seuil permettant d’obtenir une gratuité totale des soins est légèrement au dessus des valeurs édictées par nos administratifs.

De ce fait ils sont dans l’obligation de souscrire une complémentaire santé qui se rajoute aux autres dépenses du quotidien.

Cette charge financière ils ne peuvent pour la plupart pas l’assumer, cela malgré une volonté de tous les instants.

Ces patients ne font que très rarement la queue dans nos cabinets car ils ne veulent pas montrer qu’ils ne sont pas en capacité de payer leur consultation.

Ils ont souvent honte de leur condition misérable de vie.

Or ces citoyens présentent parfois des pathologies sérieuses qui sont de ce fait négligées.

Cette France « d’en bas » comme le dit joliment notre nouveau premier ministre (personnellement je n’aime pas ce terme) doit être écoutée, et tous les professionnels de santé sont tenus de la respecter.

En effet la plupart sont issus du milieu agricole, et ils ont eu pour un grand nombre d’entre eux un travail très mal rétribué, cela alors qu’ils ne sont jamais restés oisifs.

Non je ne souhaite pas être populiste, mais je veux soutenir cette frange de la population française discrète qui mérite comme tous les autres citoyens un regard différend de celui que nous lui portons actuellement ; souvent par méconnaissance.

Nombreux sont les confrères qui vont faire des déplacements vers des contrées très reculées où la population souffre, cela avec le soutien d’associations humanitaires diverses.

Cependant on oublie trop facilement que la misère est tout près de chez nous, et il est nécessaire à mon avis d’ouvrir les yeux pour mieux la prendre en charge.

« On oublie ce qu’on veut oublier, on ne peut jamais oublier ce qu’on veut se souvenir » Laurence Tardieu.

Dr Pierre Frances

4 Commentaires

  1. Merci pour cet article, et aussi pour les commentaires. Je me suis toujours efforcée de ne pas faire payer ceux qui m’annonçaient leur problèmes de fric. Mais j’avais parfois du mal à l’apprendre. Heureusement qu’on a eu la CMU, mais je me souviens des réflexions de certains confrères qui ne se privaient pas de condamner et mépriser, ceux qui arrivaient avec la carte.
    Et encore mieux il y a aussi ceux qui refusent de les prendre encharge !
    Aujourd’hui, à la retraite, je fais quelques heures dans un dispensaire à Béziers, pour ceux qui n’ont pas (encore) de papiers donc pas de sécu, on les aide à faire leurs dossiers, pour obtenir l’AME, Et on les soigne en attendant. Espérons que les ministres qui manipulent les grands ciseaux des économies, feront un effort de logique, et ne supprimeront pas l’AME car si un malade ne peut se soigner à temps, c’est les services des urgences qui seront débordés !

  2. J’ai fait des vacations en centre de médecine préventive dans lequel il était imposé (et c’était juste) de voir au moins30% de « précaires ». Or il était très difficile d’obtenir ces chiffres en dépit d’une personne affectée à cette tâche. Les refus sont liés à des causes multiples et variées :pas envie (?), peur d’entrer dans un lieu inhabituel, peur du regard (fréquent, dans ce cas ce sont nous les « coupables » puisque c’est nous qui les regardons, interrogeons nous sur notre regard) , difficultés à comprendre et à exprimer leurs plaintes ou simples demandes (y compris peur du ridicule ?!), gêne à cause des (sous)vêtements au milieu de gens « bien habillés », etc ..mais le plus grave est culturel : ces personnes sont « cassées » ou plus exactement sans vision , sans projet , sans envie ou espoir véritable avec une conception de leur corps très dévalorisée : « à quoi bon? », « je ne suis pas de ce monde » (sous entendu celui des autres classes sociales) . Au final la culture d’eux même est très ancrée et malheureusement entretenue par le regard porté sur elles, y compris malheureusement par nous. Quand un étudiant en amphi employait le terme « cas soss; » avec un mépris certain je lui demandais de se justifier, et souvent j’étais effaré de la réponse..y compris de la part de certains qui rêvaient d’humanitaires !!!!

  3. Je croyais que le serment d’Hypocrate prévoyait que l’on devait soigner gratuitement les personnes dans ce cas.
    Il faut dire que le monde a bien changé et lors d’une opération de la cataracte l’OPH, le chirurgien et l’anesthésiste m’ont tous demandé un DE… Moi qui ne faisait jamais payé un confrère ou consœur !
    Le monde a bien changé….
    Benoît

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