Il y a quelques jours de cela j’ai été informé par une des applications de mon portable d’une nouvelle tout à fait surprenante, ou devrais-je dire irritante :
« L’accès aux soins est inégal en France, et le long des côtes on est en vert et même vert foncé » (1).
De manière subliminale la journaliste de France Info (Mme Benzima) a voulu montrer que les médecins veulent se rapprocher des belles régions, et d’un paysage resplendissant avec comme cadre la grande bleue.
Malheureusement cette image idyllique est fausse !
En effet, et contrairement à ce qui a été dit par cette information pas très objective, les déserts médicaux concernent toutes les régions de France, et les « côtes » ne sont pas épargnées.
Un exemple qui doit amener à bien réfléchir
En prenant comme exemple notre département des Pyrénées Orientales (il est vrai que la carte présentée montrait du rouge en ce qui concerne la densité de population, mais on ne s’y est pas trop étendu), nous avons des gros problèmes en ce qui concerne les soins.
Les patients qui vivent dans les stations balnéaires comme Canet, Saint Cyprien, ou même Argelès ont de réelles difficultés à trouver un médecin.
Pire le plus beau village de France (Collioure) situé sur les bords de la Méditerranée n’attire pas les médecins.
Depuis le mois de février un roulement de médecins de la cité de Banyuls sur mer, par le truchement de la CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé) de la Côte Rocheuse, permet à la population de consulter un praticien qui vient en soutien de l’unique professionnel de santé de cette bourgade pourtant attractive pour les citadins des grandes villes françaises.
Notre truculente journaliste, qui utilise de bons mots pour soigner nos maux, évolue dans sa tour d’ivoire.
Elle oublie qu’en tant que médecin généraliste (mon cas n’est pas isolé dans les Pyrénées Orientales), soucieux de la santé de mes concitoyens, je me suis associé au pool de médecins sur Collioure, cela au détriment de ma seule ½ journée de congé hebdomadaire.
En parallèle j’aide régulièrement mes collègues des urgences hospitalières (on parle très fréquemment dans les journaux de la saturation du service des urgences du centre hospitalier de Perpignan à proximité de la mer pour vous le rappeler), je suis de garde très régulièrement sur le secteur (un des rares secteurs à proximité de la Méditerranée faisant des gardes en dehors de périodes ouvrables) , j’interviens dans 3 centres de sans-abris de manière bénévole depuis de très nombreuses années, et pour finir j’officie à mon cabinet libéral de Banyuls sur mer.
Aussi en étant un médecin « de la côte », je ne démérite pas je le pense, cela en travaillant plus de 80 heures par semaine (probablement plus que certains cols blancs de plateaux télé) pour une rétribution convenable mais sans plus.
Une situation qui peut être généralisée dans « les zones vertes » en densité médicale
Je pense que de nombreux médecins libéraux sont dans la même situation que la mienne, et je peux vous dire que les médecins « des côtes » travaillent tout aussi durement que ceux des campagnes ou des villes.
En fait, et cela n’est pas pris en compte par Mme Benzima malgré ses diplômes qui peuvent faire rougir certaines personnes, les propos qui ont été tenus par cette dernière ne tiennent pas compte d’une réalité qu’il faut connaître (il faut pour cela venir sur le terrain).
Les patients que ces médecins des « côtes » prennent en charge sont en très grande majorité des patients âgés, voire très âgés car pour pouvoir s’offrir une résidence sur ces « zones très vertes », il faut avoir les ressources nécessaires (pour avoir un petit studio sur Collioure il faut un portefeuille bien rempli).
Or seuls les retraités, qui ont économisé durant leur vie active, peuvent se permettre d’acheter un petit appartement dans ces cités très attractives.
Ces personnes sont porteuses de pathologies chroniques, et par voie de conséquence le médecin généraliste « de ces zones surdotées » est contraint de les consulter, du fait d’un état de santé assez précaire de ces patients, plus fréquemment.
Le plus difficile pour le soignant (je ne parle pas uniquement du médecin généraliste), c’est de voir fréquemment le comportement des familles souvent éloignées qui sont absentes ou laissent les professionnels de santé gérer la dépendance de ces patients qui n’arrivent plus à gérer leur quotidien.
Notre aimable journaliste (elle a toujours le sourire, ce qui est rassurant pour le français lambda) oublie cet élément simplement par le fait qu’elle n’a pris la peine de se déplacer pour aller à la rencontre de professionnels qui œuvrent pour la santé des patients.
Elle ne doit pas perdre de vue qu’ils sont tout aussi remarquables que ceux officiant dans le nord de la France.
Il est vrai qu’il est plus facile de traiter de statistiques brutes que de faire un réel travail de terrain pour mieux comprendre les raisons d’une situation qui impacte également les médecins des côtes.
Mme Benzima, sachez que la problématique que nous vivons actuellement est due à plusieurs écueils :
- Une densité médicale trop faible du fait d’une volonté politique affirmée par certains partis au pouvoir, et qui n’est pas réellement prise en compte par les journalistes de tout bord
- La problématique du vieillissement de la population qui nécessite une assistance médico-sociale plus complexe
- L’absence de prise en compte de la charge de travail, et du manque de respect des praticiens libéraux ou non, qui détourne certains collègues des actions de terrain
- https://www.francetvinfo.fr/sante/deserts-medicaux/acces-aux-soins-ou-se-trouvent-les-deserts-medicaux-en-france_7108191.html
Tu fais parti ( un peu comme moi quand je travaillais en libéral), des médecins de « vocation ».
Malheureusement il faut se rendre à l’évidence que la médecine change.
Quand j’ai arrêté le libéral pour faire des remplacements en cumul emploi retraite à 69 ans, ils étaient 3 pour me remplacer. Bien sûr ils ne travaillent pas plus que 3 jours par semaine.
Depuis 5: ans que je fais des remplacements je n’ai travaillé que 2 samedi matin…
Actuellement je travaille environ sur un mi temps et m’occupe des internes (gep) bénévolement car le DMG refuse de m’indemniser !
Bon courage à toi et prends bien soin de toi.
Benoît