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Lynchage médical en règle

Les médias depuis quelques semaines ne cessent de distiller des informations concernant la désertification médicale, et les conséquences engendrées en ce qui concerne la santé de nos concitoyens.

Le maire d’une cité balnéaire du nord de la France s’est emparé de ce sujet pour fustiger le comportement d’un confrère qui devait s’installer chez lui moyennant des conditions financières qu’il considérait comme inacceptables.

Par la suite, plus de 50 députés ont décidé de plancher sur une possible obligation d’installation en zone déficitaire, installation sur une durée de 3 ans et concernant les jeunes confrères.

Parallèlement les médias ne cessent de marteler le fait que la répartition des médecins n’est pas équitable, et certains journalistes pointent du doigt le fait que d’autres paramédicaux n’ont pas de liberté d’installation et sont contraints d’ouvrir  leur cabinet ou officine en fonction d’un  zonage réalisé par les administratifs.

Enfin, certains syndicalistes hospitaliers et politiques veulent imposer un service de garde à tous les médecins et agitent le chiffon de la réquisition pour les contraindre à cette pratique en cas de non volonté de participation.

Il vaut mieux parfois tourner sa langue 7 fois dans sa bouche avant de parler!

En reprenant les critiques parfois acerbes des politiques et des différents journalistes sur la problématique de la santé en France, nous devons nous rendre à l’évidence: les médecins ne sont pas aussi adulés ou remerciés que lorsqu’ils avaient œuvré au péril de leur vie en début de pandémie.

La population française se rend compte de leur utilité et de l’importance de leur présence lorsqu’ils en ont besoin, mais plutôt que de les louer ils préfèrent les fustiger.

La liberté d’installation est dans un premier temps un serpent de mer qui est régulièrement mis sur la table par les médias.

Nous sommes tous conscients de la difficulté que vivent certains français pour arriver à consulter un médecin dans certaines zones, mais plusieurs points doivent être mis en avant:

  • Tout d’abord, travailler en zone rurale est de nos jours une gageure car de nombreux services publics ne sont plus présents ou sous-représentés, cela avec le complicité des pouvoirs publics. On veut imposer d’une part aux jeunes médecins de s’installer dans des zones rurales, alors que d’autre part les fonctionnaires désertent ces lieux; cela avec l’appui de nos dirigeants!
  • Ensuite il est facile de demander aux jeunes d’aller dans des zones rurales, mais il faut regarder la réalité en face. De plus en plus de collègues femmes deviennent des médecins (elles réussissent mieux le concours de 1ère année). De ce fait elles doivent composer avec une réalité tout autre, celle des possibilités offertes pour le travail du conjoint. Dans ce cas de figure il est souvent impossible pour certains époux de trouver du travail en zone rurale.
  • D’autre part, avant de penser que les médecins sont des enfants terribles et incorrigibles, il faut savoir que depuis plus de 30 ans, on a voulu, pour des raisons financière, réduire le nombre de  médecins qui « puisaient allègrement » dans les caisses de nos organismes sociaux. Aucun politique n’a mis en avant les travers du numérus clausus ou du MICA (préretraite voulue par M. Juppé jusqu’en 2000) qui est à l’origine de cette situation.
  • Nous ne devons pas perdre de vue que les jeunes générations de médecins souhaitent travailler dans des conditions dignes et identiques des français lambda. Nous ne pouvons qu’adhérer à cette philosophie que les fonctionnaires et agents territoriaux adoptent pour profiter de leur famille. Or un tel revirement nécessite plus de médecins pour avoir un maillage correct à toute heure de la journée
  • Il est facile de contraindre les jeunes de venir travailler dans des banlieues françaises, mais on oublie qu’il existe une absence de gestion digne de ce nom de la part des pouvoirs publics au sein de ces cités qui ne respectent plus les lois de la République. Comment voulez-vous qu’un médecin aille travailler dans un lieu où la police n’arrive même pas à pénétrer?
  • Enfin les politiques, pour des raisons pas nécessairement judicieuses, n’ont-ils pas permis à certains confrères (leur nombre est assez important) de travailler dans des administrations (cas de l’ARS) comme gratte papiers ou pour élaborer des projets souvent fumeux?

Au delà de ces réflexions, nous voyons que les idées de nos politiques en matière de revitalisation des zones déficitaires en médecins ne tient pas la route.

Il est désolant de voir qu’aucun responsable du gouvernement ne vient sur le terrain pour discuter et prendre en compte des propositions soufflées par des médecins de terrain qui mettent leur mains dans le cambouis, propositions qui pourraient tenir la route dans ce domaine.

A la place, bien confortablement assis dans des bureaux, ils pensent à distance arriver à juguler la crise de la démographie médicale grâce à des concepts inculqués par les Hautes Administrations.

Ainsi pour pallier au déficit médical dans certaines zones, la représentante du conseil régional d’Occitanie va fonctionnariser 300 médecins voire plus pour étoffer un maillage territorial qu’elle juge n’étant pas adéquat aux besoins de ses électeurs; démagogie quand tu nous tiens. Outre le budget colossal nécessaire à cette entreprise, cette décision est contre-productive car en demandant à ces médecins de travailler 35 heures on va réduire d’autant plus l’offre de soins dans d’autres zones (un médecin travaille en moyenne 70 heures).

N’oublions pas que les déserts médicaux ne sont pas uniquement observés dans les campagnes, et qu’ils vont s’intensifier.

Notre système de santé est au plus mal, et politiques et médias oublient qu’ils vont devoir compter sur le bon vouloir des médecins qui deviennent une denrée rare. Or ce qui est rare est cher, et en premier lieu il va être important de revaloriser une profession qui est très mal rémunérée.

Dr Pierre Frances

9 Commentaires

    • Oui je le reconnais, amis parfois il est nécessaire de pouvoir donner toutes les étapes de son raisonnement qui va être à l’origine d’éventuelles avancées

  1. bien entendu ! je suis bien heureuse d’avoir arrêté devant le mépris du directeur de l hôpital où j’étais attachée, celui des patients poseurs de lapin et du dernier qui voulait » me cracher à la figure car cela n’allait pas assez vite » à l hôpital où je vaquais entant que réserviste sanitaire à 70ans .et où je m’ai attrapé ce virus (simples masques chirurgicaux à l époque ) plus mes enfants me reprochant « on ne t’a pas vue Maman » , ce qu’ils n’ont pas reproché à leur père pourtant très absent . j’ai pratiqué le plus beau métier du monde mais tellement ,tellement méprisé maintenant . Tant pis pour ceux qui n’ont rien fait . » la seule chose qui permet au mal de triompher, c’est l’inaction des hommes de bien  » Edmond Burke

  2. Monsieur,
    J’ai lu avec attention votre commentaire.
    Je suis 1er adjointe d’une commune rurale vosgienne, à la recherche d’un médecin. Je rectifie de deux médecins , pour les raisons évoquées par vos soins ( féminisation, travail à plusieurs, temps de travail raisonnable, maisons de santé pluridisciplinaire) . Ma commune offre de très beaux services, nous avons cette chance, pour autant nous n’arrivons pas attirer la perle rare. Je me suis penchée sur cette problématique depuis maintenant qqs années. J ai suivi le parcours du docteur Laine ( derniers jours d’un médecin de compagne), et j’y ai vu une opposition entre zone accueillant un centre Universitaire et les autres départements.
    J’ai constaté également que les aides financières ne servent pas à grand chose. ( hormis créer une guerre de clocher entre Regions )
    Le principe de liberté d’installation est mis en avant et nous ne pourrons contraindre personne à venir s’installer ( nous l’avons vu semaine passée). Alors quoi faire ? Aidez nous à échanger avec les médecins afin de mieux comprendre leurs attentes, besoins ? Laissez nous vous expliquer la force et volonté que nous mettons à revitaliser nos centres bourg ? Nos entreprises recrutent…notre cadre de vie s’améliore …. Échangeons svp .
    J’attends votre retour .
    Stéphanie POIRIER
    Association Maires Ruraux des Vosges

    • Vos réflexions sont tout à fait justes, mais avant de légiférer il me semble prépondérant de se mettre autour d’une table. Donner des opportunités pour des installations en milieu rural est une bonne initiative, mais nous ne devons pas oublier que le société change vite et pas forcément de la bonne manière.

  3. Lisez moi dans  » Choix et Médecine » chez L’Harmattan.

    • Vos réflexions sont tout à fait justes, mais avant de légiférer il me semble prépondérant de se mettre autour d’une table. Donner des opportunités pour des installations en milieu rural est une bonne initiative, mais nous ne devons pas oublier que le société change vite et pas forcément de la bonne manière.

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