Il y a quelques jours de cela, appelé par le régulateur du 15, je me suis déplacé au chevet d’un jeune patient dans un camping municipal.
Effectuant la garde de mon secteur (nombreux sont les libéraux qui acceptent de la faire alors qu’ils sont à leur cabinet plus de 50 heures/semaine), j’ai rencontré à 23 heures cet adolescent.
Il faisait, comme le racontait son éducateur, un séjour de rupture (séjour qu’il n’avait cependant pas choisi) du fait de problèmes familiaux complexes.
Ce dernier présentait une douleur abdominale avec une hématurie, selon l’interrogatoire de ce jeune.
On me propose, pour effectuer mon examen clinique, de me poster dans les sanitaires du camping plus confortables que les tentes de la colonie.
Cliniquement, et avec quelques difficultés pour réaliser un examen au sol (je commence à souffrir de lombalgie, mais tout le monde s’en moque), je ne notais pas de défense, uniquement une vague douleur du cadre colique mal systématisée.
Consultant la fiche médicale rédigée pour les encadrants, je me rends compte que ce jeune a reçu différents traitements antispasmodiques, et anxiolytiques.
Heureux de comprendre que cet appel était avant tout une manière de faire comprendre un mal être général, je prends mes affaires et je quitte rapidement ce camping en lui donnant un antispasmodique qui était dans mon cartable.
Dix minutes après mon départ je suis rappelé car le patient a présenté trois crises comitiales selon son éducateur (en fait il s’agissait d’une spasmophilie).
Aussi conscient du désarroi de ce jeune qui n’acceptait pas véritablement un séjour pour faire de la voile, je l’ai orienté vers le centre hospitalier pour qu’il puisse en « toute légalité » interrompre cette escapade.
Les libéraux peu reconnus financièrement, et politiquement pour leurs actions
Au total la prise en charge a nécessité plus de 1 heure 30 pour des honoraires de 75 euros brut (les gardes ne sont pas sur notre secteur déductible de nos impôts), sans savoir réellement si la CPAM ne perdra pas la feuille que je vais envoyer (la colonie n’accepte pas de détenir des cartes vitales).
Tout cela pour dire que si j’étais serrurier mon intervention nocturne engendrerait de la part du demandeur un coût de plus de 300 euros (frais couvrant uniquement le déplacement, et en plus possibilité je le pense de payer un peu moins cher en cas de paiement en espèce).
Ce qui est difficile à accepter, ce n’est pas tant la rémunération de nos actes qui reste ridicule, mais le comportement des patients qui pensent que nous sommes des nantis, et que la santé doit être gratuite.
Pensez que si durant ma période de garde je réalise des sutures je dois choisir entre une cotation pour la réalisation de points, et une cotation pour un acte de garde !
Ce mépris est souvent partagé par les journalistes qui mettent de l’huile sur le feu en expliquant que nos études sont payées par le contribuable.
Cependant ils oublient que les étudiants ont remboursé ce coût car durant les dernières années de leur formation ils permettent aux hôpitaux de fonctionner en travaillant plus que de raison pour un salaire dérisoire.
Non content d’avoir enfoncé le clou, certains politiciens, mais aussi associations de patients, militent pour une 5ème année pour les internes de médecine générale pour aller peupler les déserts médicaux.
Alors que la réforme de la 4ème année doit avoir cette fonction en théorie, on souhaite encore exploiter les futurs confrères en les rétribuant avec un lance pierre en chargeant la mule.
Sommes nous dans une société égalitaire, cela alors que d’autres filières universitaires peuvent pavaner en ayant coûté tout aussi cher pour le contribuable ?
Non, et c’est d’ailleurs ce qui a été mis en lumière dans un hebdomadaire national, où certains collègues dénonçaient le mépris des patients (il est aiguillonné par les propos de certains journalistes) qui, outre l’idée quelque peu triviale de ces citoyens de travailler plus pour un salaire « confortable » alors qu’ils ne font pas plus de 35 heures hebdomadaire, prennent régulièrement à partie verbalement mais aussi physiquement les médecins.
Comment accepter cette violence fréquemment gratuite qui génère des interpellations avec des peines trop légères, voire parfois ridicules?
On oublie souvent que le médecin libéral est un professionnel de santé qui a pour rôle de prodiguer des soins à des citoyens.
Il met au service des autres les compétences acquises dans son domaine grâce aux formations dispensées par des professeurs reconnus.
Les médias, mais aussi l’exécutif, ferment les yeux sur le rôle des libéraux.
Ils préfèrent rejeter l’opprobre sur ces soignants qui sont jugés responsables de l’envolée des dépenses en matière de santé.
Cependant on oublie trop vite que sans eux les dépenses seraient décuplées, ce que nous voyons avec le coût d’une prise en charge en secteur hospitalier par rapport à celui engendré par une prise en charge en clinique.
Arrêtons de critiquer sans cesse des professionnels qui œuvrent sans compter leurs heures, et qui sont très mal rétribués.
Ce qui est en train de menacer notre démocratie, c’est de voir que la France d’en haut ne regarde pas assez la base qui travaille dur sans avoir la reconnaissance de ses pairs.
Cela a de grandes chances de faire capoter un système de santé très fragile, fragilité induite par les politiques quelque soit leur obédience, et qui sur le fond n’ont pas été suffisamment prévenants.
Cher Collègue, je partage totalement votre analyse… Accepteriez vous que ce texte soit transmis à Médiapart?
Mais tout à fait