Depuis quelques années nous voyons que nos rapports avec les administrations changent très rapidement.
Ainsi, et alors que précédemment il était possible de rencontrer un fonctionnaire pour discuter d’un problème concernant les impôts, le permis de conduire, ou autre, nous sommes dans l’obligation d’utiliser une interface peu humaniste : le réseau internet.
De cette manière nos têtes pensantes ont eu la volonté de réduire drastiquement le nombre d’agents sur le terrain, et de cette manière réduisent les dépenses (ces dépenses se reportent néanmoins sur des comités Théodule ou des commissions qui améliorent, dans un grand nombre de cas, peu le quotidien des français).
Force est de constater que cette évolution, observée également dans d’autres pays, impacte certains patients qui sont parfois désemparés car âgés, ou ayant des difficultés à utiliser l’ordinateur.
Bien entendu nos énarques ont pensé à tout, et ont été à l’origine d’une aide ponctuelle (elle n’est possible qu’en période ouvrable) de ces « naufragés du net » en proposant un service très innovant (France Service) qui est présent dans de nombreuses communes.
Cette structure adossée aux mairies (c’est d’ailleurs une fonction assumée par les collectivités territoriales) permet aux moins débrouillards de bénéficier d’une aide de qualité.
Cependant, même si ce coup de pouce est une aubaine pour de nombreuses personnes n’ayant pas d’ordinateur, nous devons nous rendre à l’évidence : il est actuellement très difficile de gérer le quotidien sans informatique.
Les bilans réalisés par les banques sont envoyés par mail, les examens biologiques ne sont plus envoyés par la poste mais par mail….
Un outil qui peut devenir également une charge pour le médecin
Tout irait bien dans le meilleur des mondes si tout se passait parfaitement, et sans couacs.
Or dans de nombreux cas nous voyons certaines dérives induites par l’outil informatique qui devient un fardeau très handicapant.
Dans le domaine médical qui me préoccupe particulièrement, je me suis rendu compte de cette situation en milieu hospitalier.
Nous passons plus de temps derrière notre console informatique qu’auprès des patients que nous devons prendre en charge.
Cette situation est très frustrante pour nous les soignants, mais également pour les malades qui attendent pour certains écoute et explications concernant leurs maux.
Malheureusement les médecins ne peuvent plus effectuer cette tâche de manière correcte car ils doivent consigner dans leur ordinateurs toutes les remarques demandées par le logiciel (elles concernent la santé du patient, mais aussi elles peuvent être administratives pour éviter toute poursuite judiciaire éventuelle et dans certains cas permettre de faire des statistiques dont certaines sont inutiles, mais qui flattent les directions hospitalières).
En cabinet libéral, le médecin est dans l’obligation de se former très régulièrement auprès de sociétés, très intéressées lucrativement, du fait d’une évolution de son outil informatique.
En parallèle on impose au professionnel de santé également de faire le travail de certains administratifs, cela pour réduire le travail harassant de ce personnel qui en profite pour gravir les échelons.
Ainsi, depuis plus d’une décennie nous envoyons nos feuilles de soins de manière dématérialisée.
De cette manière la Sécurité Sociale fait des économies substantielles (on favorise de cette manière une réduction de la masse salariale des agents en se déchargeant de cette tâche qui est dévolue aux libéraux), mais on oublie que les agents de base (sans connotation péjorative) sont moins nombreux.
Cependant, et ce qui est amusant, c’est qu’on objective une hausse de la part des cadres de 37,8% (1)
Autrement dit on réduit les effectifs de base (ce terme n’est pas péjoratif), mais le nombre de chefs de service augmente.
Cette situation génère-t-elle réellement des économies, cela d’autant plus que nous pouvons remarquer de plus en plus fréquemment des slogans publicitaires divers émanant de la Sécurité Sociale dans les médias?
En effet la Sécurité Sociale accepte (on pourrait dire a la joie) d’insérer, moyennant finance bien entendu, lors « des pauses » entre émissions télé, des slogans qui pour certains ne sont pas réellement compréhensibles ou frisent le ridicule (cas des lapins chez les médecins).
De plus on ne sait pas si réellement ces publicités ont un impact sur l’amélioration des soins ou les réductions des dépenses.
Toujours est-il que les libéraux ont la joie d’assurer de nombreuses tâches administratives effectuées auparavant par le personnel de l’assurance maladie.
Lorsque la machine informatique est quelque peu défaillante, on se rend compte à nos dépens que chacun se défausse « sur le terrain » de la responsabilité.
Et dans ce cas qui est le dindon de la farce ? Le médecin.
C’est ainsi, en prenant mon exemple, j’ai eu de problèmes de transmission de factures du fait d’une sauvegarde refusée par les organismes sociaux.
De ce fait la société en charge de mon appareil de transmission de feuilles de soins (elle est grassement payé chaque mois avec des rappels en cas d’oublis) m’a renvoyé un duplicata des feuilles non traitées par les organismes sociaux (pas uniquement la sécurité sociale).
Par voie de conséquence j’ai dû passer de nombreuses heures à trier ces documents pour les envoyer aux organismes dont ils dépendent (comme quoi on gagne beaucoup de temps avec la dématérialisation).
Cependant du fait de la masse très importante de feuilles reçues par la sécurité sociale, j’ai eu un appel d’un agent qui n’acceptait pas de traiter ce flot de papier.
Il est vrai que trop travailler, c’est difficile!
Donc dès lors qu’une erreur se produit avec un outil informatique, tout le monde se défausse, et le médecin doit endosser la responsabilité d’une dysfonction dont il n’est pas responsable !
Je vis très mal cette situation intolérable pour les patients qui m’ont payé (je passe pour un profiteur qui a fait croire télétransmettre alors que ce n’est pas le cas), et moi-même qui ne reçois pas de rémunération de ce fait depuis plusieurs semaines.
Tout ces aléas difficilement acceptables par les libéraux qui tentent de faire correctement leur travail (il ne faut pas oublier qu’ils sont avant tout la charge de la santé de leurs patients), cela alors qu’on ne cesse de répéter qu’il faut réduire le temps administratif des médecins libéraux qui reçoivent de plus en plus de patients.
(1). https://snfocos.org/lemploi-a-la-securite-sociale-evolution-des-effectifs-2019/