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Les donneurs de sang ne méritent-ils pas plus de respect ?

Très régulièrement nous sommes informés par voie médiatique de pénuries concernant les dons de sang.

Pour assurer la collecte, un organisme (l’Etablissement français du sang ou EFS) a été mis en place en 2000.

Il s’agit d’un établissement public administratif avec des prérogatives d’établissement public à caractère commercial, établissement qui a succédé à l’Agence française du sang mise à mal par l’affaire du sang contaminé.

De nombreux français se mobilisent pour donner leur sang, mais aussi plasma et plaquettes, cela afin de sauver des vies.

Les collectes sont un impératif au sein de notre société, cela d’autant plus que notre population est vieillissante, et nécessite pour certains de nos compatriotes un apport de sang très régulier du fait d’un renouvellement peu important de globules rouges (myélodysplasie).

Aussi, comme nous l’avons déjà énoncé précédemment, l’EFS est contraint de communiquer davantage pour mobiliser les donneurs potentiels.

Les collectes reposent avant tout sur un élan de solidarité, de nombreux citoyens ayant conscience qu’il faut être humaniste en aidant son prochain.

Bien entendu cette action ne doit pas être sujette à quelconque rétribution (cela était le cas au début du 20ème siècle), ce désintéressement évite des dérives inacceptables pour les receveurs éventuels, mais aussi pour les unités de collectes qui seraient amenés à recevoir des personnes n’entrant pas dans le champ voulu du don.

Une évolution dans la collecte qui peut se discuter

Du fait d’une sensibilisation à plusieurs niveaux (entreprises, collectivités) les donneurs (ils sont habituels ou non) vis-à-vis de ce manque de sang, certaines personnes se mobilisent régulièrement pour donner de leur temps.

Depuis l’épisode quelque peu stressant de la COVID 19, des dispositions ont été prises au niveau des points de collectes.

Ainsi les donneurs doivent impérativement prendre des rendez-vous en ligne.

Certains créneaux sont débloqués pour effectuer des dons, cela sans prendre de rendez-vous.

Cette nouvelle disposition qui semble partir du bon sens heurte certaines personnes qui ont des difficultés à avoir une idée fixe sur leur planning, c’est le cas notamment de mon associé (il était donneur de sang) qui du fait de nouvelle donne refuse de se mobiliser.

Par ailleurs, étant donneur de sang, j’ai pu constater d’importants changements depuis une décennie.

Ainsi, il est demandé aux participants de la collecte de rester 20 minutes (sur quelle base a-t-on décrété ce chiffre de 20 minutes ?) pour se reposer, et éviter de ce fait d’avoir un malaise.

Cela part d’une bonne intention, mais ne doit pas devenir un poids psychologique supplémentaire pour le donneur.

Ce qui m’a quelque peu surpris, c’est de voir que le personnel en charge de « la collation » adopte un comportement parfois étonnant :

  • Il y a quelque mois de cela en partant 10 minutes après le don, j’ai été rappelé très sèchement par l’agent en charge de la collation (pâtes de fruits, et biscuits industriels) disposée dans des panières. Cette personne avait les yeux rivés sur son chronomètre, et constatait que je ne respectais pas les dispositions qu’elle devait appliquer (départ avant les 20 minutes réglementaires).
  • Ayant récemment effectué un don sur Paris (point de collecte éphémère), j’ai été surpris par la réaction des 4 protagonistes qui avaient la charge de la pause collation. Outre le fait qu’un d’entre eux n’a pas cessé de nous importuner lors du don avec son portable pour parler de sa retraite avec une autre personne, j’ai pu constater qu’ils se tournaient les pouces pour nous donner des gâteaux sous emballage. En étant 4 ils auraient pu préparer un petit sandwich, ou préparer des crêpes (c’est cela la convivialité).

En revenant sur le don de sang sur Paris, j’ai été enchanté par le professionnalisme de la consœur qui s’agitait pour me recevoir, cela avec une amabilité sans équivoque (il est vrai qu’elle a été généraliste en libéral durant plus de 30 ans).

Par contre, et à ma grande surprise, l’accueil lors de mon arrivée n’a pas été aussi chaleureux, et je dirais même était particulièrement glacial.

Ma présence dans le lieu de collecte à 14h 20 a quelque peu déstabilisé notre scribe qui n’avait pas encore sa blouse, ce qui le chagrinait quelque peu.

D’autre part nous étions deux, et notre placement ne lui convenait pas visiblement car il nous a rapidement déplacé.

Ayant eu la possibilité de me libérer un peu avant mon rendez-vous, l’agent en poste m’a fait comprendre qu’il fallait respecter les horaires car les places étaient toutes pourvues (en fait nous n’étions que deux).

Par la suite deux infirmières placées devant leurs postes de travail (elles étaient postées également sur leur portable) nous ont pris en charge avec tout le professionnalisme qu’il se doit, mais sans être réellement débordées comme nous aurions pu le penser (les places étaient théoriquement toutes pourvues).

Néanmoins cet exemple nous montre que le donneur de sang devient un client, et sans détour on n’a plus l’impression que les EFS reçoivent les donneurs de manière aussi joviale qu’auparavant.

Travaillant régulièrement avec les sans-abris, il m’arrive fréquemment que certains que je dépanne avec des médicaments (je les apporte dans ma voiture) du fait d’une absence de couverture sociale valable, me remercient chaleureusement pour ce dévouement.

Cela fait chaud au cœur car ces personnes qui sont souvent exclues de la société gardent pour certaines un grand humanisme.

Il est vrai que nous assistons dans de nombreuses situations, et à mon grand regret, à une importante deshumanisation au sein de notre société.

Un autre point qui me conforte dans ma prise de position concernant ma remarque précédente, et qui permet de rebondir sur les causes d’un manque de donneurs, c’est le fait que les collectes sont trop régulièrement effectuées durant les périodes ouvrables.

Or les donneurs sont souvent des personnes qui travaillent, et les propositions de rendez-vous le samedi restent très rares dans certains secteurs (cas de notre département).

Comment voulez-vous dans ce cas attirer de nouveaux donneurs, ou mobiliser les plus anciens ?

Au sein des EFS il existe des chargés de communications qui se doivent de respecter la filière qualité.

Dans ce cas, comment se fait-il que les donneurs n’aient pas été interrogés pour connaître leurs désidératas concernant les jours de préférence pour les dons ?

« Le mystère et la richesse du monde de la vie quotidienne sont inégalables. Et les conditions pour accéder aux merveilles de ce monde sont le détachement, mais également l’amour et le don de soi » Carlos Castaneda.

Dr Pierre Frances

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