Le prestige et le pouvoir des médecins, deux notions devenues obsolètes….

Depuis quelques années les professionnels de santé ont perdu de leur pouvoir, et de leur prestige.

A ce titre nous voyons au fil du temps une plus grande défiance, mais aussi une écoute moins importante de ces soignants.

La violence des professionnels de santé, une banalité dans nos villes et campagnes

C’est ainsi que les médias partagent régulièrement des faits divers concernant des praticiens qui sont tristement molestés ou font l’objet d’invectives parfois tout à fait déplacées.

Ce qui est difficile à accepter, c’est de voir que le système judiciaire ne réprime pas de manière ferme certains comportements inacceptables.

Un confrère, le Dr Oulmekki a fait la une de journaux et de différents magazines d’information télévisés.

Ce dernier a été frappé par un patient qu’il connait très bien, cela pour un motif futile.

Ce confrère a montré devant les caméras son visage couvert d’hématomes.

A l’issue du procès faisant suite à cette violente altercation, le responsable des actes sur notre collègue a été condamné à 3 semaines de travaux d’intérêt général, 2000 euros d’indemnisation, et l’obligation de ne pas aller dans le cabinet de son ancien médecin traitant.

Bien entendu une telle condamnation a été à l’origine du courroux du Dr Oulmekki.

Ce dernier est traumatisé sur un plan psychologique par cette agression tout à fait gratuite, et il nous a montré qu’à la suite de cet évènement il vit très mal ce manque de considération de la part des pouvoirs publics, mais surtout met en lumière les conséquences de cet acte sur sa santé (perte d’odorat, et de goût).

Mme Le Bodo durant sa brève carrière au ministère de la santé avait exprimé son souhait de condamner sévèrement les personnes qui portaient atteinte physiquement ou psychologiquement à des professionnels de santé.

Nous voyons au travers de cette situation, pourtant extrêmement difficile à accepter pour tout professionnel en charge de la santé de nos concitoyens, que les propos de notre politicienne n’ont pas été réellement suivis.

Il en est de même pour cette jeune consœur de Marseille qui a été agressée (elle a été mordue, griffée, et des cheveux ont été arrachés) en août 2024 par deux femmes.

Le médecin très choqué n’a pu poursuivre son activité professionnelle, et a quitté l’arrondissement où elle officiait.

Parallèlement la principale responsable de ces violences (elle n’est pas à son coup d’essai) a écopé de la pose d’un bracelet électronique.

Bref une peine pas nécessairement à la hauteur du préjudice subi par notre collègue.

Un mépris des médecins de la part des médias, mais aussi des responsables administratifs

Lorsque j’ai commencé de travailler en tant qu’interne dans les hôpitaux, le médecin avait un pouvoir important, et le directeur acceptait le plus souvent, et sans rechigner, les demandes formulées par l’équipe médicale.

Actuellement nous assistons à un changement de paradigme avec une administration hospitalière ventripotente qui n’a pas de honte à imposer des règlements et certaines obligations à des confrères dont la charge de travail ne cesse de croitre.

Le plus difficile à accepter c’est le fait qu’il n’y a plus d’humanité entre ces fonctionnaires et le corps médical souvent malmené du fait d’exigences souvent démesurées, et dans certains cas tout à fait ubuesques.

En parallèle nous voyons très fréquemment des collègues hospitaliers qui ne sont pas soutenus par leur hiérarchie, dès lors qu’ils ont eu un différent ou une plainte par des patients.

Pour les libéraux le fardeau porté est bien plus cynique avec des journalistes de tout poils qui ne cessent de répéter à la population que les médecins gagnent bien leur vie, et que leurs études coutent cher à la collectivité.

Ils oublient de souligner sciemment (il faut secouer le coquetier pour donner l’illusion de cette fausse information) le fait que les étudiants remboursent intégralement ces frais engendrés par leurs cursus lors de leur internat.

D’ailleurs de nombreux chefs de service urgentistes ont montré en octobre leur désarroi du fait d’un manque important de main d’œuvre au sein des unités que ces étudiants (nombreux ont voulu redoubler du fait d’une réforme qu’ils ne comprenaient pas) font tourner avec un salaire dérisoire avec des horaires souvent bien au-dessus des 35 heures.

Bien entendu de nombreuses voix expriment leur mécontentement dès lors que les libéraux n’acceptent pas de faire des gardes, mais ces contestataires oublient que ces mêmes praticiens travaillent bien plus que les 35 heures « exigées » au sein du service public (dans certains cas c’est même bien moins que 35 heures).

Un rôle délétère des pouvoirs publics intéressés par leur souhait de faire réélire

Et cerise sur le gâteau, nous voyons depuis quelques années (cette situation se majore au fil du temps) de nombreux édiles qui n’ont aucun scrupule à attirer les médecins grâce à des propositions très attractives (locaux vastes et très fonctionnels avec une contrepartie financière souvent dérisoire par exemple).

Ce qui est très amusant, c’est très récemment de voir le « combat » de titan entre deux maires d’une commune du Gard.

Le maire de Saint Julien de Peyrolas assiste impuissant au futur départ de ses généralistes attirés par le fromage plus appétissant de la ville proche.

En lisant l’article, édité par un média public, on est surpris par l’attitude du maire de Pont Saint Esprit (c’est lui qui a débauché les confrères) qui mise sur l’arrivée prochaine de docteurs juniors dans sa commune qui vont venir en aide aux confrères de cette ville.

Ce dernier n’a pas froid aux yeux, et tout comme de nombreux élus il montre sa volonté de s’accaparer d’étudiants en formation, cela sans savoir réellement de quelle manière ils seront dispatchés.

Cette situation m’attriste grandement car nous allons faire vivre à nos futurs confrères une expérience qui pour certains se soldera par un dégoût total pour la médecine libérale, et pour d’autres un état dépressif en relation avec les conditions de travail qui ne seront pas nécessairement optimales dans les lieux proposés.

Comment est-il possible d’accepter les revendications de maires en mal de reconnaissance avant les élections, cela alors que nous avons des étudiants qui ont travaillé très dur pour arriver à une fin de parcours qui ne cesse de s’étoffer ; injustement à mon goût et avec des chances de provoquer certaines discriminations salariales ?

Tout aussi rageant c’est de voir, lors de l’inauguration de centres médicaux municipaux ou régionaux, l’absence sur la plupart des photos reproduites par les journaux locaux des principaux concernés : les professionnels de santé.

Il est vrai qu’ils ne vont pas avoir de mandat électoral, et à quoi bon mettre sur un cliché les principaux artisans en charge de la santé de la population du secteur !

Après tout ce ne sont que de petites mains serviles qui peuvent surtout donner plus de crédibilités aux instances dirigeantes.

Pourquoi ne pas donner la parole aux principaux concernés (les médecins libéraux) pour assurer avec les ARS une répartition équitable des professionnels de santé, et de cette manière redonner plus de lustre à une profession injustement malmenée ?

Il est tout à fait irresponsable, et contreproductif d’accepter que des politiques et des sociétés privées en charge du recrutement de médecins (de nombreuses communes font appel à ces chasseurs de tête qui sont très attirés par l’argent) interviennent pour fournir de la main d’œuvre dans des communes qui en font la demande.

Il est important avant tout de permettre aux professionnels de santé de s’organiser, et de donner leur partition.

C’est de cette manière que nous pourrons trouver des pistes pour réduire quelque peu la pénurie médicale au sein de certaines zones.

Mais donner le pouvoir aux médecins, et aux paramédicaux est devenu irréaliste aux yeux des pouvoirs publics en 2025.

Dr Pierre Frances