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La face « obscure » des EHPAD

Un journaliste, il y a quelques années de cela, avait alerté de la situation vécue par certains de nos ainés hébergés au sein d’EHPAD d’un grand groupe.

Son ouvrage a trouvé un lectorat avec un assise très large, et eu de ce fait un succès retentissant.

Ce « lanceur d’alerte » avait mis en cause la gestion des établissements qui ne laissait peu de marge à l’humanisme.

Bien entendu les propos de cette personne ont été rapidement relayés par différents médias, et ont été très rapidement à l’origine d’une levée de bouclier de la part des politiques qui n’ont pas accepté la maltraitance physique et psychique des personnes hébergés dans ces établissements.

La vindicte populaire a également contribué à jeter le discrédit sur le groupe mis en cause dans le pilotage de ces structures.

D’ailleurs pour se faire une nouvelle « virginité » des changements se sont opérés au sein de cette entité : une direction renouvelée, et également modification du l’appellation de ce consortium.

La gestion du grand âge, une action pas aussi simple que nous pourrions le penser.

En parallèle le français moyen a pris connaissance de la situation parfois délicate des EHPAD.

Même si les établissements pour personnes âgées sont souvent gérés par des entreprises privées, nous ne devons pas nécessairement jeter l’opprobre sur leur gestion.

Je me rappelle très bien, lors d’une formation réalisée dans les années 2000, qu’un responsable d’EHPAD (il s’agissait d’un médecin généraliste) parlait d’optimisation du temps des aides-soignantes pour les toilettes des résidents.

De tels propos m’avaient choqué de la part de ce confrère qui devait normalement avoir des idées plus humanistes.

Malheureusement nous devons prendre conscience que l’univers des EHPAD n’est pas aussi joyeux que nous pourrions le penser.

Tout d’abord en ce qui concerne le personnel, nous sommes en tant que généralistes libéraux confrontés aux confidences de certains agents qui sont en dépression du fait d’une charge de travail excessive, et des problèmes concernant la sphère musculosquelettique de ces personnes nous conduisent à les arrêter.

Nous ne devons pas minimiser les difficultés d’un travail auprès des personnes âgés.

Outre la routine qui est parfois difficile à assumer, la gestion du quotidien est souvent un parcours du combattant (agressivité du résident, surpoids…) que les petites mains en charge de leur bien-être ont parfois des difficultés à assumer de manière correcte.

Par voie de conséquence la main d’œuvre intérimaire au sein de ces établissements est devenue monnaie courante.

Cet état de fait est parfois difficile à gérer pour les cadres de santé car la motivation n’est pas nécessairement au rendez-vous, cela d’autant plus que ces intérimaires sont souvent payés au lance-pierre, et ils savent que leur contrat aura une durée limitée.

D’autre part en plus de la gestion du personnel qui est souvent un casse-tête, la direction de ces établissements doit également prendre en compte l’enveloppe budgétaire allouée pour chacun des pensionnaires.

Dans la pratique, alors que nous nous offusquons régulièrement du coût mensuel que les enfants doivent payer pour les parents hébergés dans ces structures, nous devons nous rendre à l’évidence qu’il devrait être plus important pour avoir une plus grande stabilité du bilan comptable.

Aussi, comme l’a dénoncé le journaliste lors de son enquête réalisée au sein d’un grand groupe, on rogne sur les produits alimentaires, sur les horaires de présence du personnel (repas du soir pris dans certaines unités vers 18 heures pour que les aides-soignants ne soient pas rétribués en heure de nuit par exemple).

La contribution des collectivités est conséquente, mais souvent elle se révèle très juste pour qu’une prise en charge optimale devienne effective.

Très récemment la presse a fait écho de cette problématique financière qui est à l’origine de problèmes de trésorerie d’un nombre non négligeable de groupes en charge d’EHPAD.

Tout cela peut donner froid dans le dos car en étant encore valides pour certains d’entre nous, nous savons pertinemment que notre fin de vie (et je ne parle pas d’euthanasie ou de suicide assisté) ne se déroulera pas dans un milieu ouaté.

La population française est vieillissante, et nos politiques vont devoir prendre des décisions rapidement pour que nos concitoyens en situation de dépendance puissent être encadrés de manière satisfaisante.

Or actuellement, même si la volonté (elle est peut-être feinte) existe dans ce domaine de la part des pouvoirs publics, les finances ne permettent pas :

  • Une revalorisation « décente » du personnel des EHPAD
  • Un encadrement plus étoffé avec une augmentation des agents en charge de nos ainés

Aussi l’exécutif a tiré de son chapeau certaines idées pour lutter contre la dépendance des personnes âgés, cela avec certains « stratagèmes ».

Cependant dans la vraie vie, nous nous rendons compte que les solutions à cette problématique sont souvent déléguées aux professionnels de santé libéraux.

Or ces derniers éreintés par une charge de travail de plus en plus excessive, n’ont plus la capacité de remplir des formulaires (on ne cesse de majorer la liste des papiers administratifs) qui permettent de dédouaner familles et collectivités.

Or l’enjeu est bien là, il est impératif que chacun agisse en toute responsabilité.

Pour finir il est important de ne pas également avoir une attitude culpabilisante dans tous les cas de figure en ce qui concerne les EPHAD privés.

En effet nous ne devons pas perdre de vue que la marge financière pour une prise en charge optimale des résidents demeure très étroite.

A contrario les établissements publics bénéficient parfois d’une rallonge budgétaire, ce qui est parfois une bulle d’oxygène utile pour assurer une meilleure qualité des soins.

« Vieillir dans la dignité est-ce donc un luxe réservé à l’élite ? »  Corriveau Monique.

Dr Pierre Frances

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