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Discriminations, vous dites discriminations envers les professionnels de santé?

C’est avec un certain « amusement » que je pris connaissance d’un article publié dans les colonnes du Quotidien du Médecin concernant les discriminations directes et indirectes (Le Quotidien du Médecin du 16 mai 2025).

Ce qui est intéressant de noter, c’est le fait que la « Défenseuses des droits » (Mme Hédon) a été quelque peu scandalisée par le fait que le parcours de soins chez le professionnel de santé est dans certains cas entaché par une discrimination (elle ne concerne pas nécessairement l’origine ethnique du patient).

Mme Hédon explique que dans la grande majorité des cas les victimes de tels actes répréhensibles ne portent pas plainte, ou ne donnent pas de suites à ces situations auprès des Ordres médicaux.

Outre le sexisme de certains professionnels pointé du doigt, cette pourfendeuse de l’égalité dans le soin nous montre qu’un vocable (cas du syndrome méditerranéen)  fondé sur aucune preuve scientifique s’avère très discriminant.

Parallèlement Mme Hédon souligne que certains médecins refusent de consulter les patients ayant la C2S ou d’AME.

De manière subliminale cette dernière souhaite pointer du doigt que les médecins souhaitent avant tout gagner de l’argent sur le dos des patients, et refusent de se faire payer directement par les caisses d’assurance maladie.

D’autre part cette même personne nous explique que certaines consœurs ou confrères refusent de recevoir, voire d’examiner des patients qui présentent certaines « particularités physiques » (cas de patients obèses ou ayant certains handicaps).

Certains collègues ont par ailleurs des propos quelque peu discriminatoires concernant le poids des patients, ce qui révolte quelque peu notre défenseuse des droits.

D’autres citoyens ayant des soucis d’hygiène, ou ayant des addictions manifestes sont rejetés par les professionnels de santé.

Autrement dit dans le monde du soin l’égalité n’est pas la règle pour tous.

Nous devons regarder la réalité sous un autre prisme que celui uniquement du droit du patient

Je ne peux pas critiquer la position de Mme Hédon qui relate des situations tout à fait justes, et parfois discriminantes.

Je conçois tout à fait cette position qui met en lumière des actes qui sont difficiles à accepter pour les bonnes âmes de notre société.

Cependant je souhaite par mes propos mettre un peu d’eau dans le moulin du soin.

Tout d’abord en ce qui concerne l’accessibilité aux soins, Mme Hédon devrait savoir que certaines personnes âgées qui ne peuvent plus se déplacer doivent pour certaines avoir recours à la téléconsultation pour partager leurs problèmes de santé ou aux amis qui se rendent chez le professionnel de santé pour obtenir une ordonnance.

En effet dans certains départements les médecins n’ont plus la capacité de se déplacer compte tenu de leur charge de travail, et privilégient les actes réalisés au sein du cabinet.

Il est vrai qu’en Asie les médecins ne consultent qu’au cabinet, et ne font aucune visite.

En fait la société dans ces contrées est plus solidaire, ce qui permet plus facilement un déplacement grâce au concours du voisin.

Nous avons en plus la facilité d’oublier que dans certaines banlieues des citoyens n’ont plus la possibilité d’être consultés car les médecins refusent d’y travailler du fait d’une insécurité démesurée (souvent elle est favorisée par les trafics de drogue).

Ce qui est curieux, c’est de voir que cette frange de la population  souvent silencieuse n’est pas prise en compte par les pouvoirs publics.

Or ces personnes sont tout autant justifiables de soins que le patient lambda, et Mme Hédon devrait penser également à eux.

En ce qui concerne la discrimination administrative (C2S ou AME), elle s’explique par le fait que les organismes sociaux remboursent les soins réalisés, si des feuilles sont envoyées (une charge de plus pour le travail du professionnel de santé), au bout de 3 mois.

La sécurité sociale a réduit son personnel qui traitait les feuilles maladies, et a majoré de manière considérable ses cadres A (ce n’est pas véritablement une source d’économies d’ailleurs), ce qui est quelque peu également discriminant pour les patients, mais aussi pour les médecins.

Mme Hédon parle du syndrome méditerranéen, qui est à son goût (ce n’est pas la seule) une notion très discriminante.

En fait cette dénomination, qui je le reconnais n’est pas forcément judicieuse, a pour but à mes yeux de mettre en avant la somatisation de certaines personnes qui sont déracinées.

Par voie de conséquence leur mal être (il peut s’agir d’une dépression) se manifeste en ayant des manifestations somatiques qui n’ont pas de réel substratum.

Il est vrai que nos patients « classiques » ont, pour certains, ce type de manifestions.

Au-delà de ce discours, nous ne devons pas perdre de vue que la dépression est une pathologie qui doit être prise au sérieux, et que des manifestations en apparence organiques peuvent être un appel au secours que nous devons prendre en compte.

Quand à l’attitude parfois discriminante vis-à-vis du patient obèse ou ayant un handicap, nous ne pouvons que réprimander les collègues, mais nous devons avant tout savoir que les praticiens n’ont parfois pas les propos adaptés pour plusieurs raisons :

  • Une charge de travail très conséquente qui, du fait d’un épuisement professionnel, conduit à avoir des propos pas nécessairement adaptés
  • Du fait de revendications, ou de demandes itératives de patients ayant un handicap et qui critiquent le médecin qui n’a pas rédigé le certificat de manière adaptée (cela est souvent tout à fait injuste car tout le monde ne peut pas recevoir une manne financière des pouvoirs publics), ou les patients obèse qui militent pour identifier « les grossophobes » cela alors que les médecins ont le seul but des les aider à éviter de contracter certaines pathologies.

En ce qui concerne le patient ayant des problèmes d’hygiène, nous avons tous eu une attitude discriminative en ayant de grandes réticences à l’examiner du fait d’une odeur parfois incommodante.

Dans ces cas il ne faut pas oublier que le médecin, mais aussi les patients de la salle d’attente, doivent être quelque peu respectés.

Tout cela pour dire que le patient peut avoir des droits, mais nous devons également mieux reconnaître les difficultés vécues par le médecin dans son exercice professionnel.

Dr Pierre Frances

Un Commentaire

  1. Article intéressant. Vous auriez pu aussi évoquer les patients transgenres militants qui traquent les médecins supposés transphobes pour leur avoir proposé de les aider en les adressant à un chirurgien pour une reassignation de sexe. J’ai été confronté à un « homme avec vagin » (c’est ainsi que ce ou cette patient.e s’est présenté.e), qui m’a insulté parce que je lui ai proposé de l’orienter vers un chirurgien qui pratique la penoplastie. Il.elle m’a répondu : « Docteur, vous devriez savoir que ce n’est pas parce qu’on a un vagin qu’on en est pas moins un homme… » Puis s’ensuit une longue litanie sur le corps médical coupable de discrimination à l’égard des personnes transgenres. Certes c’est son droit de refuser la penoplastie mais ma proposition n’avait rien de discriminant. j’ai juste voulu lui rendre service.

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