Lorsque je terminais mes études en 1994, et commençais à remplacer des confrères, j’ai été très amusé par les propos d’un d’entre eux.
Ce dernier expliquait que pour réduire les dépenses de l’assurance maladie il était éventuellement possible de salarier les médecins libéraux.
Cependant il développait un argumentaire de manière tout à fait raisonnée, et mettait en avant que cette option était économiquement très onéreuse car le coût induit par cette mesure était important du fait de l’accompagnement administratif qui devait être associé à cette nouvelle donne.
Actuellement les pouvoirs publics ont eu recours à cette option, cela du fait d’une pénurie de professionnels de santé.
Des municipalités, mais aussi des présidents de conseils régionaux (ils pensent également à la fidélisation de leur électorat), ou des associations de tout poil, veulent montrer leur volonté d’assurer un maillage de qualité dans le domaine de la santé.
Cette action à première vue reste louable malgré certains idéaux, mais elle doit nous faire réfléchir avant tout.
Un déficit financier prévisible
Un exemple très récent nous montre que la viabilité de ces structures où le salariat est une option pour les confrères, est très voire trop coûteuse.
Récemment un centre médical sur Toulouse mutualisé sans but lucratif (Cap Rempart) a du fermer boutique du fait d’un déficit financier non négligeable (plus de 500 000 euros).
Cet établissement qui regroupait au moins deux médecins généralistes, un dermatologue, un kiné, un orthophoniste, un podologue, et une psychologue n’a pas pu équilibrer son budget.
Il est intéressant de voir que la file active de patients de ce centre était de 3000 patients (1500 par médecin si ces derniers étaient deux).
En regardant de plus près où le bât blessait dans ce cas, nous ne pouvons qu’être très surpris par l’organisation de cette structure.
En effet pour assurer convenablement la gestion de Cap Rempart nous avions un directeur, une directrice adjointe, 3 secrétaires, des femmes de ménage, un comptable j’imagine….
Autrement dit une masse salariale conséquente qu’il fallait rétribuer de manière satisfaisante, et sur une base bien définie.
En reprenant ces données, et en les transposant à l’activité libérale pratiquée dans mon cabinet, je note en ce qui concerne mon activité :
- Une file active de 10 000 patients pour 4 médecins (soit 2500 patients par médecin)
- Une seule secrétaire médicale pour ces 4 professionnels
- L’absence d’une masse administrative complémentaire pour étoffer cette équipe (directeur notamment)
Nous arrivons au prix de plus de 50 heures par semaine d’activité professionnelle (je ne compte pas les heures passées à remplir certains documents administratifs absurdes pour certains, et la comptabilité également) à joindre les deux bouts, et à vivre convenablement.
Tout cela pour dire que les tarifs pratiqués pour une consultation dans un centre où les praticiens sont salariés sont dérisoires compte tenu des charges que les collectivités doivent s’affranchir.
Cela est d’autant plus vrai que les collègues travaillant dans ces établissements ne font pas plus de 40 heures par semaines.
De plus nous voyons qu’une gestion par les pouvoirs publics de structures salariées est trop coûteuse du fait d’une volonté affichée de majorer la masse salariale administrative (souhait d’un contrôle accru, ou volonté de décharger les professionnels de santé d’une masse trop importante de documents administratifs).
En fait on transpose dans ces établissements le modèle hospitalier où la charge administrative est démesurée, et devient supérieure à celle des professionnels de santé travaillant dans ces unités.
Salarier les médecins est une option possible, mais il est nécessaire dans ce cas de réduire de manière considérable les administratifs qui gravitent autour, et s’accrochent comme des poux à une place qui est parfois d’une très faible utilité.
De plus il est nécessairement de supprimer certaines formalités administratives trop chronophages, et peu utiles pour la plupart d’entre elles.