Il y a quelques jours de cela je suis allé travailler dans l’unité des urgences du centre hospitalier de Perpignan.
Cet exercice que j’effectue régulièrement, outre le fait qu’il permette de soutenir les confrères qui officient au sein de cette structure, permet également d’avoir une idée concernant les maux de notre société.
En effet je vois défiler parmi les demandeurs de soins des patients qui peuvent être très informatifs pour les urgentistes.
En plus de leur rôle professionnel, les urgentistes peuvent aussi scruter et comprendre certaines dérives au sein de notre société.
A ma grande surprise j’ai du gérer il y a une semaine de cela, en plus des pathologies plus ou moins importantes sur un plan vital, des plaintes qui sont monnaie courante dans cette unité, mais avec une plus faible fréquence.
Un nombre non négligeable de personnes est venu pour obtenir un certificat de coups et blessures.
A l’origine de ces situations j’ai pu observer : des rixes avec les voisins qui ne supportaient pas les cris des enfants la journée, des conjoints irascibles qui n’acceptaient pas le retard de leur compagne et n’avaient aucun scrupule pour frapper leur moitié….
Autrement dit de plus en plus de concitoyens ne supportent plus la frustration, et répondent avec les poings à ce « mal être ».
Cet état de fait est très choquant, cela d’autant plus qu’en écoutant une famille victime d’un de ces individus, j’ai eu de grosses difficultés pour comprendre les raisons de l’acharnement de leur nouveau voisin.
Ce dernier n’acceptait pas que le camion des nouveaux locataires qui ont deux enfants, soit garé sur une place qui théoriquement était celle qui lui était réservée par « la force de l’habitude ».
Au lieu de discuter, ou de parlementer pour changer la place du camion, le voisin a préféré utiliser la force pour régler le différend.
Toute la famille a été frappée avec une grande violence (un des enfants de 3 ans présente une fracture de l’avant bras).
Au-delà de cette constatation qui doit nous interpeller, nous devons nous rendre à l’évidence : la violence devient de plus en plus fréquente, et nous sommes tous potentiellement concernés par cette situation.
Une banalisation inacceptable !
Il peut s’agir d’une violence verbale. Nous y sommes confrontés journellement au sein des services des urgences du fait d’une attente jugée trop longue par les patients.
D’ailleurs un rapport met en lumière cette triste réalité qui au fil du temps ne cesse de se majorer (1)
Certains ne comprennent pas les raisons d’une prise en charge tardive, et n’acceptent pas une réalité : la charge de travail de professionnels de santé peu nombreux.
Au sein des cabinets médicaux nous assistons régulièrement à des actes de violence qui peuvent engendrer des répercussions importantes sur la santé des médecins (hématomes, fractures notamment).
Le Quotidien du Médecin a relayé récemment le comportement d’un patient charentais qui souhaitait décapiter son ancien médecin traitant (2), comportement qui n’a jamais été relayé par la presse généraliste.
Ce fait divers a eu lieu dans les suites d’une manifestation organisé le 12 mars par un collectif de médecins qui souhaite que les menaces, et les coups portés aux soignants, conduisent à des peines exemplaires sur un plan judiciaire.
Nous assistons, nous les professionnels de santé, à une escalade concernant un manque de reconnaissance de nos actions, et nous devons panser avec parfois certaines difficultés des blessures tant sur un plan psychologique que physique.
Des changements doivent s’opérer afin que les valeurs de notre société démocratique soient préservées.
Malheureusement certains faits nous donnent froid dans le dos :
- La manifestation des professionnels du 12 mars a été relayée par les médias sans réelle prise de conscience de la part de la population française. De plus nous avons pu remarquer une indifférence coupable, à mon avis, de la part des journalistes qui banalisent cette situation
- Les peines infligées aux auteurs de violences ne sont pas la hauteur du préjudice subi, cela malgré les propos très démagogiques de certains ministres de la santé (Mme Le Bodo avait clairement affirmé que les auteurs de menaces ou de coups à destination des professionnels de santé seraient sévèrement punis). Dans « la vraie vie » nous n’avons pas eu une mise en application de telles affirmations. A cette époque, et je m’en rappelle fort bien, l’exécutif n’avait qu’une seule volonté, celle de calmer les professionnels qui exigeaient une revalorisation de leur travail
- Une frilosité des pouvoirs publics pour donner des gages sécuritaires aux professionnels de santé
Tout cela doit nous faire malgré tout réfléchir, alors que les professionnels de santé libéraux ont de plus en plus de travail (administratif du fait d’une France de plus en plus attachée aux normes parfois ridicule, et de terrain avec des patients de plus en plus nombreux du fait d’une pénurie de professionnels de santé), il semble important de montrer plus de respect à des soignants investis dans leur mission.
Bien entendu ces propos sont également valables pour d’autres professionnels qui assurent l’éducation, mais aussi la sécurité de nos concitoyens.
Je terminerai mes propos par une citation d’un écrivain philosophe qui, par ses propos énoncés il y a de nombreuses décennies de cela, était un grand visionnaire.
« Je reconnais que la violence, sous quelque forme qu’elle se manifeste, est un échec. Mais c’est un échec inévitable parce que nous sommes dans un univers de violence » Jean-Paul Sartre.