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Une vision des sans abris pas forcément réaliste

Visa pour image est une manifestation de photojournalisme qui se tient tous les ans à la fin des vacances d’été sur Perpignan.

Très souvent certains sujets présentés alimentent des polémiques du fait de volontés plus ou moins exprimées par les reporters photo.

Il est cependant important de souligner le fait que de nombreux photographes prennent des risques importants pour nous informer de situations parfois intolérables.

Prenant le contrepied des différents clichés représentant des faits de guerre, j’ai été quelque peu intéressé cette année par les clichés de Jean-Louis Courtinat.

Contrairement à ses collègues qui se déplacent sur différents théâtres où la guerre fait rage, ce dernier reste très attaché à donner à aux clichés qu’il a savamment choisis une vision sociale des français.

Durant 40 ans il a photographié des scènes concernant des orphelins, des personnes très âgées, mais aussi des sans abris.

C’est ainsi qu’il a mis en scène la misère de la rue, cela en exposant en noir et blanc certaines représentation du quotidien de l’Hôtel Dieu  en 2003.

Les différents clichés présentés au décours de Visa nous conduisent à être très émus, notamment lorsqu’un homme tente de dormir en étant accroupi sur un brancard.

Sa position très inconfortable pour se reposer nous laisse penser que son organisme va subir les conséquences de cette situation que nous ne pouvons que difficilement accepter.

Cette détresse se majore à nos yeux lorsque nous voyons un sans abri qui demande de rester hospitalisé au sein du service des urgences.

Cette image d’une pauvre âme implorant (il tente d’agripper le médecin avec ses mains) le professionnel de santé de le garder nous donne froid dans le dos.

Cela est d’autant plus difficile à accepter que nous voyons que ce dernier présente de nombreuses cicatrices cutanées (séquelles d’infections anciennes, ou d’une toxicomanie non sevrée avec un retentissement sur le revêtement cutané).

Une vision très réaliste, mais qui nécessite également de prendre du recul

Il est certain que l’émotion est le dénominateur commun à toutes les photos exposées, mais dans le cas de nos sans abris, nous devons prendre un peu de recul.

En ayant une analyse plus fine des différents clichés de Jean-Louis Courtinat, nous devons également souligner le professionnalisme des soignants qui n’ont pas de réactions négatives pour assurer des soins de qualité.

Un cliché met en avant le fait qu’un sans abri a été ceinturé du fait de son alcoolisation massive, et de son comportement quelque peu perturbant au sein du service des urgences.

Nous ne devons pas exprimer d’indignation vis-à-vis de cette situation, car la contention permet au patient de ne pas chuter, et de ce fait éviter une fracture dont la consolidation a des risques de devenir problématique.

De plus il est important de cette manière d’éviter que cette personne alcoolisée ne vienne perturber (dans certains cas molester) les autres patients hospitalisés.

En revenant sur la photo du patient demandant au soignant (il s’agit probablement d’une consœur) de rester toute une nuit, nous voyons que cette dernière reste très investie par sa tâche.

Ce qui est intéressant également, c’est de voir que cette dernière n’utilise pas de gants pour toucher le sans-abri.

Je suis très attaché à ce comportement qui montre que cette frange de la population ne doit pas être stigmatisée.

La consultation à mains nues permet d’améliorer la relation médecin-patient, et même si le risque infectieux est parfois existant, le professionnel de santé doit prendre la précaution de se laver les mains à l’issue de son examen.

Travaillant régulièrement avec cette population, j’ai toujours eu le même respect dans ma prise en charge, prise en charge qui ne diffère pas par rapport à celle des autres patients consultés.

Travaillant très régulièrement dans un service d’urgence hospitalier, je suis confronté aux maux de ces personnes, et en parallèle j’ai pu remarquer également la bienveillance des collègues pour ces patients.

Il est important cependant de souligner que le professionnalisme des confrères prenant en charge ces personnes doit être mis en avant (ce n’est malheureusement pas pris en compte par les pouvoirs publics, mais aussi les personnes qui sont trop compassionnelles vis-à-vis de cette frange de la population).

En effet, dans certains cas ces sans abris sont irrévérencieux, et peuvent molester voire cracher sur les soignants.

Ces professionnels dévoués à leur mission tentent de minimiser ces comportements inadmissibles car ce sont avant tut des humanistes.

Aussi est-il nécessaire de regarder également du côté des soignants qui sont méritants, et canalisent des personnes qui du fait de leur état (il est volontaire ou non) se permettent certains gestes condamnables.

Par voie de conséquence il est nécessaire de ne pas avoir un regard uniquement compassionnel vis-à-vis de ces personnes qui pour certains rejettent la société qui tente malgré tout de les accepter malgré leurs travers.

Et c’est ce qui m’a quelque peu interpellé dans ce photoreportage de Jean-Louis Courtinat : un manque d’objectivité concernant un monde qui n’est pas celui qui est idéalisé par ce professionnel.

Dr Pierre Frances

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