Le feu couve depuis de nombreux mois en ce qui concerne l’accès aux soins des patients.
Nous ne devons en effet pas oublier que la réalité dans le domaine médical n’est pas aussi rose que nous pourrions le penser.
Près de 10% de la population française n’a pas la possibilité de recevoir des soins de qualité du fait d’un nombre trop restreint de médecins traitants.
Par voie de conséquence « ces 10% » sont dans l’obligation de fréquenter des unités (cas des services des urgences) pas nécessairement dédiées à prendre en charge des soins peu complexes.
Aussi certains politiques inquiets, tout autant par la détresse de leurs concitoyens, que leur avenir politique (c’est surtout la motivation à mes yeux la plus importante de cette caste), ont décidé de prendre des décisions fermes pour réduire cette absence de prise en charge.
Dans ce sens M. Garot a proposé, mais aussi a déposé un projet de loi, cela pour imposer aux futurs confrères une installation dans des zones sous-dotées.
Cette proposition de loi a été validée par l’Assemblée Nationale il y a quelques semaines de cela par une majorité de députés présents.
Conscient du tollé exprimé par les médecins libéraux provoqué par cette nouvelle donne, le 1er ministre a tenté de désamorcer une future contestation tout à fait légitime.
Ainsi il propose, dès le mois de septembre 2025, aux jeunes confrères (ce sont ceux qui sont visés par les politiques de tout bord) de venir travailler au sein de zones dépourvues de professionnels de santé à raison de 2 jours par mois.
Des décisions quelque peu contestables
Plusieurs critiques peuvent être formulées suite à ces différents courants d’opinion pour réduire les déserts médicaux.
Tout d’abord il est intéressant de voir des voix dissonantes au sein du gouvernement où le ministre de la santé (je ne parle pas de Mme Vautrin qui chapeaute également le ministère du travail, mais de M. Neuder) qui est quelque peu surpris par ces décisions peu opportunes, décisions qu’il ne partage pas avec ses autres collègues.
Il a fait différentes remarques qui montrent qu’il connaît bien sa partition en étant cardiologue :
- Tout d’abord il pense que l’idée de l’obligation d’installation dans les déserts médicaux est une solution qui a des chances de conduire à des départs d’étudiants vers d’autres pays européens
- Ensuite, et par rapport à l’idée formulée par le 1er ministre, il ne comprend pas de quelle manière les ARS pourraient prononcer des sanctions vis-à-vis des confrères qui n’accepteraient pas ce mode de travail
Toujours est-il que nous pouvons également formuler de nombreuses critiques concernant les propositions pas très bien structurées de nos politiques :
- Tout d’abord il est important de souligner que les zones dépourvues de professionnels de santé représentent près de 80 à 90% du territoire français.
- Les citoyens de Perpignan (c’est le chef-lieu de mon département) qui est une grande ville ne trouvent pas, pour certains de médecins traitants. Nous avons le même cas de figure sur Paris et sa banlieue, et cette situation est tout aussi valable pour la quasi-totalité des grandes agglomérations. La semaine dernière des vacanciers parisiens sont venus à mon cabinet pour que je puisse les consulter car aucun médecin ne souhaite les recevoir dans le 75.
D’autre part, dans certaines banlieues les médecins (SOS médecin également dans certains cas) refusent de se déplacer du fait d’une insécurité croissante, et surtout du fait de la création de zones de non droit connues par les politiques.
Est-il raisonnable que les personnes qui logent dans ces quartiers défavorisés ne puissent pas avoir accès aux soins du fait d’une inertie des pouvoirs publics (ils sont incapables de faire régner l’ordre dans ces cités) ?
En parallèle la proposition de M. Bayrou concernant un remplacement deux jours par mois en zone de pénurie en professionnels de santé est quelque peu surprenante à plusieurs titres :
- Tout d’abord de quelle manière sera tenue la comptabilité de cet investissement obligatoire ?
- Ensuite cette nouvelle manière de travailler ne va-t-elle pas générer une défiance des jeunes collègues qui ne s’investiront pas pour la prise en charge des patients ?
- Durant les deux jours de participation « au service civique » imposé dans les zones en pénurie de professionnels de santé, qui prendra en charge les patients du médecin déplacé ?
- Enfin n’est-il pas irresponsable de penser qu’une frange de la population devra accepter de recevoir des soins de praticiens qui changeront de tête tous les deux jours ?
Tout cela pour dire que la situation actuelle (pénurie de professionnels de santé) a été décidée par les politiques.
De ce fait il est à mon goût inconvenant qu’ils dégagent leur responsabilité en imposant des mesures qui ne sont pas très logiques.
Ce qui est très critiquable sur le fond, c’est le fait que jamais un seul énarque ne demande à des professionnels de terrain des idées pour éviter toute majoration du désastre médical que nous subissons.
« Tout n’est pas politique, mais la politique s’intéresse à tout ». Nicolas Machiavel.